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C’est son frère qui fut le premier confident de la joie qu’il avait ressentie en voyant ses neveux réunis autour de lui.

« Je n’entreprendrai certes pas, mon très cher frère, de vous décrire la scène touchante dont j’ai été témoin et un peu acteur hier ; il ne me manquait que vous pour rendre mon bonheur complet. Votre fils est arrivé très bien portant, après avoir eu cependant une traversée plus que médiocre : car il a été neuf jours en mer. Mais j’imagine qu’il vous aura donné de ses nouvelles en arrivant à Cuxhaven ; ainsi je ne vous parlerai pas de son voyage. Je ne l’ai pas trouvé changé du tout, ni au physique ni au moral, toujours le même, bon, sensible, affectueux. Son frère aurait pu, s’il était moins bon, être mécontent de moi, car j’ai appelé du secours pour être à armes égales, et j’ai remis une lettre et un portrait qui ont été fort bien reçus. J’ai joui de leur bonheur, de celui de les serrer tous deux ensemble dans mes bras. Mais, je vous avouerai que je ne puis encore me défendre d’un sentiment un peu pénible. Il n’y avait pas trois ans qu’ils étaient séparés, et il y en a près de quatre que nous le sommes ! Enfin notre tour viendra, je l’espère. »

Leur tour ne devait venir qu’à sept ans de là[1]. Mais le Roi ne pouvait prévoir que leur séparation dût se prolonger si longtemps. Et puis, en attendant leur réunion que, malgré tout, il persistait à croire prochaine, il avait en perspective, pour lui faire prendre patience, le mariage de « ses enfans, » auquel il ne supposait plus d’obstacles, maintenant qu’il avait auprès de lui ce jeune Duc d’Angoulême qu’on vient de voir entrer en scène.


ERNEST DAUDET.

  1. A Calmar en Suède, en 1804.