Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/907

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’engage à partir de 1847 le talent d’Alexandresco ; il comprend onze odes, madrigaux, hymnes, — pièces que l’on est convenu d’appeler « lyriques, » — douze fables, et six satires.

On n’insistera point sur les premières de ces productions. — On y trouve des pièces nationales de circonstance, des vers d’albums, deux pièces proprement lyriques. Dans aucun de ces trois genres, on ne voit plus reparaître l’auteur de Minuit ou de la Prière. Le poète qui avait mis tant de passion à raconter ses tristesses personnelles, se sent moins apte à célébrer les joies publiques. Il ne sait que raconter ses peines à lui, ou encore, à la suite de circonstances exceptionnelles, célébrer les anciens, ou enfin, — et ceci lui est plus naturel que tout le reste, — satiriser ses contemporains. Que pourra-t-il dire par exemple au sujet de l’organisation de l’armée ? ou de l’inauguration du théâtre national ? que dira-t-il au prince régnant Alexandre Ier Couza ?… Retenons pourtant trois vers de la pièce dédiée à ce prince. Ce prince doit se conduire de telle sorte que :


La France, la grande nation,
La nation chevaleresque,
Puisse se glorifier avec nous…


On sera plus surpris de constater que le talent de fabuliste de notre poète est en baisse lui aussi. Les fables de 1863 ont leur côté intéressant, mais en général elles sentent la décadence, tout comme les pièces lyriques. L’explication en est d’ailleurs bien simple. De même que l’âme du poète, les temps avaient changé. Depuis que Napoléon III protégeait ouvertement les principautés de Moldavie et de Valachie, et depuis l’avènement au trône du prince Couza, on pouvait dire à peu près librement en Roumanie ce que l’on « pensait. Le nombre des journaux qui paraissaient en 1860, à Bucarest et à Jassy, avait dépassé la cinquantaine. Parmi ces journaux, il y en avait même — chose nouvelle ! — d’humoristiques : Le Moustique, La Guêpe, L’Épine, Le Vampire, Le Diablotin, Le petit Bonhomme. Le prince Couza le permettait, le voulait ainsi. Dès lors, quelque mauvaise opinion que l’on eût de la société de ses contemporains, à quoi bon faire des fables ? On pouvait manier librement la satire, attaquer ouvertement les personnes et les choses. Alexandresco eut le tort de ne point le comprendre, et continua d’écrire des fables en même temps que des satires. Or, dans les premières, il perdit