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que cet éminent critique estime n’être qu’une série de tableaux sans lien et sans importance. » Pour ce qui est des articles consacrés à ses pièces, M. Capus veut bien accepter ceux qui sont élogieux ; mais il ne peut admettre que les autres ne soient pas l’effet de l’inintelligence ou du parti pris. « Se réjouir pleinement des bons articles, et croire ceux qui ne le sont pas inspirés par l’ignorance du théâtre ou par la mauvaise humeur ; » telle est sa méthode. Nous sommes avertis : quiconque a le malheur de trouver qu’une pièce de M. Capus n’est pas d’un bout à l’autre un chef-d’œuvre, est un sot ou un méchant homme.

Le fait est que tous les défauts qu’on a relevés dans Notre Jeunesse se trouvent, paraît-il, être précisément les beautés qu’il eût fallu y louer avec le plus de complaisance. « Je m’étonne toujours, — déclare M. Capus en termes décidément un peu vifs, — du jargon singulier et sans signification précise dans lequel on a coutume de formuler de vagues critiques. On m’a dit : L’action ne commence qu’au troisième acte. Mais l’action commence dès que les caractères, d’où va jaillir le drame, s’exposent, c’est-à-dire dès la première scène. On a reproché aussi à mon second acte d’être vide. Or c’est précisément dans cet acte-là que le drame éclate avec violence. » Au surplus, il n’y a qu’un mot qui serve : les critiques de théâtre ne comprennent rien à rien, mais surtout au théâtre : « Le malheur est, voyez-vous, que la plupart de ceux qui formulent de semblables objections, ne tiennent lieu ni de l’évolution des mœurs, ni même des véritables exigences du théâtre dont ils se figurent défendre la cause. Ils jugent une pièce en la regardant comme ils regarderaient l’épreuve négative d’une photographie ; ils ne consentent pas à rester dans la salle et ils veulent à toute force monter sur la scène pour voir ce qui s’y passe ! Il en résulte qu’ils ne se trouvent pas placés au point pour apprécier comme il convient la pièce qu’ils viennent juger… » Tels sont les propos que l’auteur de Notre Jeunesse a laissés tomber de ses lèvres souriantes. Ils sont dépourvus d’aménité. On n’aurait pas cru que tant de rancune pût se concilier avec tant d’optimisme. Que serait-ce ? si M. Capus ne souriait pas…

Outre qu’elle nous amuse, la « critique des critiques » a un réel intérêt : elle fait bien voir en quoi consiste l’illusion à laquelle cèdent beaucoup d’écrivains dans leurs réclamations ardentes et sincères contre la critique. Car ils sont de bonne foi. Ils s’imaginent avoir mis dans leur œuvre tout ce qu’ils projetaient d’y mettre. Ils croient avoir dit exactement ce qu’ils souhaitaient de dire. Ils veulent