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gentilshommes qui l’accompagnaient se rendraient en droiture à l’armée, tandis que l’aîné suivi du comte de Damas se dirigerait vers Prague en gardant « le plus strict incognito. » Le comte de Damas devait emporter, avec une lettre du comte de Saint-Priest pour Mme de Chanclos, compagne de la princesse, des instructions écrites par le Roi, lesquelles prévoyaient toutes les difficultés qui pourraient se produire à Prague, et même un refus de Mme de Chanclos d’autoriser l’entrevue sans avoir pris les ordres de l’Empereur : « Arrivé dans cette ville, M. le comte de Damas ira trouver Mme la comtesse de Chanclos, lui remettra la lettre de M. de Saint-Priest, lui annoncera mon neveu et prendra avec elle les arrangemens nécessaires pour que l’entrevue ait lieu le plus tôt possible. Dans le cas très invraisemblable où Mme de Chanclos s’y refuserait, M. de Damas tâcherait de se procurer un refus par écrit. » Il devait s’informer si les hostilités entre la France et l’Autriche étaient recommencées, si l’armistice durait encore ou si la paix était faite. Dans le premier cas, après une seule entrevue avec Madame Royale, il conduirait en toute diligence le Duc d’Angoulême à l’armée ; dans le second, le prince passerait un jour à Prague, verrait sa cousine le plus qu’il pourrait, ainsi que les membres de la famille impériale qui s’y trouvaient avec elle ; dans le troisième cas, c’est-à-dire si la paix était faite, le comte de Damas ramènerait le prince à Blanckenberg.

Ces dispositions étaient définitivement arrêtées et les apprêts du voyage s’activaient, lorsque le 3 mai, le jour même où les deux princes devaient quitter Blanckenberg, arriva la nouvelle de la conclusion de la paix ou, plutôt, de ses préliminaires entre l’Empereur et la République. L’événement obligeait le Roi à modifier ses projets. Il n’y avait plus lieu d’envoyer le Duc d’Angoulême à l’armée.

« Il serait ridicule qu’il y arrivât la paix faite, écrivait-il à son frère, cela pourrait même faire tenir de sots propos. Il a fait acte de bonne volonté en partant d’Edimbourg au moment où il l’a pu, lorsqu’on croyait bien plus à la guerre qu’à la paix ; c’en est assez ; plus serait trop. Mais si l’Angleterre sauve l’armée d’un licenciement et lui redonne de l’activité, je ne retiendrai pas notre enfant ; vous pouvez vous en fier à mon amour pour lui… Quant à Berry, j’ai pensé que cet événement ne faisait que lui imposer plus strictement le devoir d’aller rejoindre ses