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de ceux qui ont été dans cette occasion les victimes de leur zèle pour le bien de notre patrie, mais notre courage n’en doit pas être ébranlé ; il ne sera pas arrêté. Quant à moi, peu m’importe que mon nom soit prononcé dans cette affaire. Mes sujets fidèles n’avaient pas besoin de ce qui vient de se passer, pour savoir que la première de mes occupations est de leur rendre le bonheur, ni les usurpateurs de mon autorité pour croire que je me tiendrai en repos, tandis qu’ils tyranniseraient ma patrie. »

Quelques jours plus tard, Madame Royale ayant exprimé les alarmes qu’excitait en elle la confusion tragique des événemens qui se déroulaient de toutes parts, terriblement gros de complications nouvelles, le Roi reprenait :

«… L’avenir est en effet, comme vous le dites fort bien, environné d’un voile épais, et le passé ne nous engage pas à croire que ce voile cache rien de bon. Cependant on peut en soulever un coin, et la perspective que je découvre n’est pas si effrayante qu’on pourrait se le figurer. Les prêtres et les émigrés sont, j’en conviens, persécutés en ce moment ; mais les uns et les autres seront rappelés par l’opinion publique, et sa tendance vers la religion et la monarchie est toujours la même. Elle est comprimée, il est vrai ; mais elle ne peut l’être longtemps que par le régime révolutionnaire, et la preuve que les tyrans actuels n’osent en revenir à cet effroyable régime, c’est qu’ils n’ont pas osé faire exécuter, quoiqu’elle ne soit pas abrogée, la loi de sang qui condamne à la mort tout émigré rentré. Un gouvernement usurpateur et monstrueux ne peut se soutenir que par la violence, et toute demi-mesure de ce genre ne fait que déceler sa faiblesse et irriter les sujets. Tel est l’état de la France, et quoique le moment soit dur à passer, cet état offre de grandes espérances pour l’avenir. Plût à Dieu qu’il fût possible d’y voir aussi clair sur la grande question de la paix ou de la guerre ! »

La paix fut signée peu après :

«… Je savais la nouvelle de la paix, mais je ne suis pas plus instruit que vous sur les conditions ; elles sont bien importantes. Quant aux événemens, un nuage épais les couvre, et bien habile serait celui qui pourrait percer ce nuage, et découvrir l’avenir. C’est un grand problème que de savoir si la paix est un bonheur ou un malheur pour nous, c’est-à-dire pour la France, car ces mots sont synonymes. Le temps en donnera la solution,