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vasque Louis XVI, en bronze, occupant le milieu de cette retraite embaumée, des fleurs rares, créations nouvelles de jardiniers inventeurs et artistes, se détachent comme autant de joyaux délicats sur un fond de palmes. Aujourd’hui, plus que jamais, les dames anglaises ont la passion des fleurs, et non pas seulement pour en orner leurs demeures, mais pour les cultiver elles-mêmes. Le jardinage est devenu à la mode, avec cette fureur qui chez nos voisins transforme très vite en engouement ce qui resterait chez nous à l’état de goût. C’est le thème favori des conversations et les écoles d’horticulture permettent aux jeunes filles d’acquérir les connaissances techniques les plus étendues.

Dans notre réunion se trouve une charmante Américaine fort experte en ces matières. Elle est jardinière-paysagiste de profession, c’est-à-dire qu’aux États-Unis elle se consacre à créer et à entretenir des jardins ; elle les inspecte, en surveille la culture, ce qui l’oblige à des tournées régulières comportant une vie errante, assez dure, nous dit-elle. Ses jardins sont épars sur de grands espaces et elle s’occupe aussi de l’exploitation des bois, car la sylviculture a pénétré depuis peu en Amérique où il semblait que les forêts fussent inépuisables ; mais on les a si brutalement détruites qu’il faut maintenant aménager ce qui reste. Le directeur du mouvement est venu, comme font les Anglais, apprendre son métier à notre Ecole forestière de Nancy : il a beaucoup d’habiles collaborateurs parmi lesquels des collaboratrices. C’est à peine si la jeune personne qui nous dit ces choses se réserve dans l’année deux mois de vacances ; elle les passe en Europe à étudier. Les jardins d’Ashridge, entre autres, lui fournissent un enseignement précieux.

Nous les parcourons avec autant de curiosité que de plaisir, car à chaque pas c’est une surprise nouvelle. Par exemple, des guirlandes de feuillages rougeoyans s’enlacent aux arceaux du vieux cloître ; de là on gagne les terrasses à la française avec dessins fleuris d’animaux héraldiques ; on tombe ensuite dans une serre chaude où jaillissent follement les lianes, les plantes tropicales. Puis c’est une grotte profonde, toute bruissante de sources dont l’humidité fait vivre une variété de fougères ; enfin, poème plus beau que le reste, c’est le jardin des roses fermé par des murs épais de laurier auxquels s’appuie un hémicycle de colonnes torses aux chapiteaux de roses. Prisonnières dans cette