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à passer, et je suis sûr que le souvenir de celles dont vous avez eu le malheur d’être le témoin vous y aura rendue plus sensible. Mais, du moins, nous n’avons plus à craindre pour leurs personnes. Je vous avais, dans les premiers momens de ma douleur, invoquée à leur secours ; mais mes lettres ne vous arrivèrent sûrement que longtemps après que vous avez su l’état exact des choses, et vous penserez, comme moi, qu’il n’y a rien à faire pour le moment, et que leur sort changera, comme le nôtre, à une époque qui, j’ose l’espérer, n’est pas bien éloignée. »

Lorsque ces lettres désolées arrivèrent à Madame Royale, elle connaissait les douloureux événemens qui les avaient dictées. Elle en avait même fait part à son oncle dont les informations s’étaient croisées avec les siennes : «… Vous aurez sûrement appris, mon très cher oncle, tous les malheurs qui sont arrivés, à Turin : l’emprisonnement du Roi et de toute sa famille et leur départ, dit-on, pour l’île de Sardaigne. Je suis bien affligée de toutes ces horreurs, surtout par rapport à la Reine qui est vraiment une sainte, et avait déjà bien assez souffert de toute la cruauté de ces gens-là. J’ai encore reçu une de ses lettres, il y a peu. Il est sûr que c’est terrible. Il ne me paraît pas que les affaires se remettent ; au contraire je trouve que cela va toujours de pire en pire. Quand est-ce donc qu’il y aura une fin à tant de malheurs ? »

La semaine suivante, la princesse ajoutait qu’elle avait sollicité l’Empereur. « Ce prince a répondu, que s’il était possible, il ferait tout pour les sauver et qu’il était même de son propre intérêt de les soutenir. Je crains qu’on ne puisse pas faire beaucoup pour eux présentement. Mais j’attends tout du temps. Au reste, les dernières nouvelles étaient qu’ils étaient restés à Parme et on espérait que tout pourrait s’arranger pour le mieux. »

Le Roi fut particulièrement heureux de la démarche de sa nièce : « J’y suis d’autant plus sensible que, lorsque vous avez reçu mes lettres à ce sujet, vous saviez, comme je n’ai pas tardé à l’apprendre, après les avoir écrites, que tout était perdu pour le moment. N’importe, ma tendresse pour vous s’en est accrue, s’il est possible, et de plus vous avez fait une œuvre dont celui devant qui il n’y en a aucune de perdue, vous récompensera. J’ai appris, depuis la date de votre lettre, que ces infortunés ont quitté Parme ; mais je ne serai tout à fait tranquille pour eux, que lorsque je les saurai arrivés en Sardaigne. »