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« Les portraits que vous avez vus de notre fille, mandait-il à son frère, ne peuvent vous en donner une idée exacte ; ils ne sont point ressemblans. Elle ressemble à la fois à son père et à sa mère au point de les rappeler parfaitement, ensemble et chacun séparément, suivant le point de vue où on l’envisage. Elle n’est point jolie au premier coup d’œil ; mais elle s’embellit à mesure qu’on la regarde, et surtout en parlant, parce qu’il n’y a point un mouvement de sa figure qui ne soit pas agréable. Elle est un peu moins grande que sa mère, et un peu plus que notre pauvre sœur. Elle est bien faite, se tient bien, porte la tête à merveille et marche avec aisance et grâce. Quand elle parle de ses malheurs, ses larmes ne coulent pas facilement, par l’habitude qu’elle a prise de les contraindre, afin de ne pas donner à ses geôliers le barbare plaisir de lui en voir répandre. Mais ceux qui l’écoutent pourraient difficilement retenir les leurs. Cependant, sa gaieté naturelle n’est point détruite ; ôtez-la de ce funeste chapitre, elle rit de bon cœur et est très aimable. Elle est douce, bonne, tendre ; elle a, sans s’en douter, la raison d’une personne faite. Dans le particulier, elle est avec moi comme notre pauvre Elisabeth aurait pu être avec mon père ; en public, elle a le maintien d’une princesse accoutumée à tenir une cour. Non seulement, elle dit des choses obligeantes à tout le monde, mais elle dit à chacun ce qu’il convient de lui dire. Elle est modeste sans embarras, à l’aise sans familiarité, innocente enfin comme le jour de sa naissance. J’en ai vu la preuve positive dans la manière dont elle a été avec mon neveu depuis mardi, jour de son arrivée ici. Enfin, pour achever, j’ai reconnu en elle l’ange que nous pleurons. »

Après ce charmant portrait dont nous n’aurions eu garde de priver nos lecteurs, Je Roi payait un tribut d’éloges au Duc d’Angoulême. « Six jours à passer avec celle qui, le septième, devait être sa femme étaient véritablement difficiles et il a, dès le premier instant, saisi la nuance juste dont il ne s’est pas écarté une seconde, toujours cherchant à plaire, galant et même tendre avec respect, mais sans embarras. Nous avons été au-devant d’elle à trois verstes d’ici, et le temps du retour a suffi à faire disparaître la timidité qui était ce que je craignais le plus dans notre jeune homme. »

C’est encore à son frère que, le 7 août suivant, il faisait la piquante confidence qui suit :