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source première, ils espèrent que toutes les réformes découleront ensuite naturellement. Ceux qui demandent des réformes, au pluriel, entendent par-là que c’est au gouvernement à les faire avec intelligence, avec libéralité même, mais sans rien abdiquer, ou en n’abdiquant que le moins possible de l’autorité qu’il exerce sous une forme absolue. Ils croient qu’un gouvernement représentatif, qui deviendrait bientôt un gouvernement parlementaire, ferait aujourd’hui plus de mal que de bien en Russie, parce qu’il ne saurait pas y faire le bien. De ces deux thèses, l’Empereur a adopté la seconde, et, dans un rescrit récent, il a annoncé l’intention de réaliser quelques réformes, modestes à coup sûr, mais qui ne seraient pas négligeables si elles étaient accomplies intégralement et maintenues avec confiance et avec fermeté. Qu’en sera-t-il ? Beaucoup d’influences contraires agissent autour de l’Empereur ; il est difficile de prévoir à laquelle il donnera définitivement la préférence. On n’est d’accord que sur un point, et son rescrit prouve que l’Empereur partage à cet égard le sentiment général, c’est que certaines réformes sont immédiatement indispensables, et qu’elles consistent à donner à la sécurité des citoyens des garanties contre l’arbitraire administratif, en même temps que la presse serait rendue plus libre dans l’exercice de son droit de contrôle. Il y a actuellement en Russie un mouvement d’opinion très intéressant, très curieux, et qui est presque unanime parmi les esprits éclairés par la réflexion, la comparaison et l’étude ; mais ces esprits ne sont pas les plus nombreux. Quelle forme prendra ce mouvement, soit qu’on y cède, soit qu’on essaie d’y résister ? À cette question, les réponses sont si différentes que le plus sage pour nous est d’attendre celle qu’y feront les faits.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.