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LE
MORAL DES TROUPES

Les longues périodes de paix font souvent perdre de vue certains principes essentiels d’organisation, dont la nécessité ne se manifeste clairement que pendant la guerre : tels sont ceux qui concernent la cohésion et la force morale des troupes.

Les discussions sur la nouvelle loi relative au service militaire en apportent la preuve. D’ailleurs il ne saurait en être autrement. Les forces destructives ne se manifestant pas en temps de paix, nous sommes habitués à voir dans le régiment renforcé par une partie de ses réservistes, évoluant aux grandes manœuvres, une image fidèle de ce qu’il serait en campagne. C’est là une illusion des plus funestes dont il est nécessaire d’expliquer les dangers. La prétention d’improviser des troupes a déjà causé la ruine de bien des nations : cette erreur pourrait mener la nôtre à sa perte. La plupart de ceux qui ne connaissent la guerre que par l’étude, se figurent volontiers que si le pays dispose de citoyens parfaitement instruits, bien armés et résolus au combat, des régimens peuvent être formés au moment du besoin. On ne saurait se tromper davantage. Une troupe ne peut supporter les angoissantes situations de la guerre que si tous ses élémens se connaissent entre eux, connaissent leurs chefs, sont connus d’eux. Sinon, c’est une foule. Elle pourra paraître enthousiaste et superbe dans une revue de départ ; elle sera sans moral et s’effondrera lamentablement dès les premières épreuves. Tout dernièrement encore le fait s’est produit sous nos yeux. En 1895, le 200e régiment fut formé pour faire l’expédition de