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façons d’être de Mademoiselle avec Lauzun étaient devenues tendres et familières. Il fut question en ce même printemps d’un voyage à Fontainebleau : « Je dis à M. de Lauzun : « Ayez soin de mettre une calotte, quand vous y serez : le serein en est mortel pour les dents, vous qui êtes sujet à avoir mal aux yeux, à être enrhumé ; cet air fait tomber les cheveux. » Il me dit : — « Pour tes dents, j’en ai à conserver. Je crains le rhume ; car pour les yeux rouges, dont vous me faites la guerre, c’est à force de veiller que j’y ai mal quelquefois. Pour mes cheveux, j’en ai si peu que je n’ai rien à ménager. » Elle lui prêchait la propreté ; — « Quand on vous aura vu tout crasseux, on aura trouvé que j’avais un méchant goût. Pour mon honneur, vous devriez vous ajuster. » Il riait. Ou bien elle le grondait, par jalousie, parce qu’il s’échappait pour aller on ne savait où, et, alors, il l’enjôlait : — « Dès qu’il voyait que j’avais envie de le gronder, il avait des manières à me ramener et à me mettre de bonne humeur, qu’il n’y en eut jamais de pareilles. »

Tout cela ressemblait assez à une lune de miel, et les Mémoires de Mademoiselle pour l’automne de cette même année renferment un passage qui est presque un aveu : — « On continuait de dire que nous étions mariés. Nous ne disions rien ni lui ni moi, n’y ayant que nos amis particuliers qui nous en osassent parler, et on leur riait au nez, sans en dire davantage [que] : — « Le Roi sait ce qui en est. » La conduite de Mademoiselle, pendant les dix années qui vont suivre, ayant été une confirmation perpétuelle, et éclatante, de cette demi-confession, son mariage secret avec Lauzun serait acquis, et on le placerait sans hésitation entre mai et novembre 1671, sans un dernier texte qui remet tout en question. Nous le donnerons à sa date.

Quoi qu’il en fût, elle avait su ramasser les morceaux de son bonheur ; mais Lauzun perdit tout, une seconde fois. Il avait appris tout de suite qu’il devait à Mme de Montespan la rupture de son mariage, et il en avait conçu une haine furieuse contre cette fausse amie. La tête lui en tourna. Après une scène de portefaix, où il lui donna de ces noms qui ne s’impriment point, il alla se déchaînant contre elle dans les salons, avec une violence inouïe, et parfois à deux pas d’elle. Les courtisans s’émerveillaient de l’excès d’insolence d’une part et de l’excès de patience de l’autre, car Mme de Montespan endurait ces outrages sans souffler mot. On prétendait qu’elle avait été autrefois sa