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perruques, — et peintes, et attifées, avec quel art stupéfiant et lointain !… Mais je ne connais personne dans ce petit monde. Passons !

Un quart d’heure après, rencontre d’un nouveau dais, cerclé de velours noir comme le précédent, mais au-dessus duquel des branches d’érable à feuilles rouges, en place des lotus, simulent une broussaille de forêt. On me sourit là-dedans ; deux ou trois des invraisemblables petites bonnes femmes, aperçues entre les rideaux de brocart, me disent bonjour : danseuses, que j’ai vaguement connues dans quelque maison de thé. Mais ce n’est pas ce que je cherche. Passons encore !

Troisième dais qui apparaît dans le lointain, avec aussi son bourrelet noir. Il est surmonté, celui-là, d’un cerisier en fleurs, chaque rameau tout neigeux de frais pétales blancs ; un cerisier si bien imité qu’il apporte presque une impression de printemps frileux au milieu de ce tiède automne. C’est du reste le dais le plus riche, et aussi le plus suivi : derrière, cheminent une centaine d’enfans, mouskos[1] ou mousmés, qui viennent sans doute de s’échapper de l’école, car ils ont encore sur le dos leur carton et leurs livres… Oh ! mais qu’est-ce qu’il y a là-dessous, quels étranges petits êtres ?… Des petits guerriers d’autrefois, armés de pied en cap, portant beau et farouche, mais lilliputiens, et paraissant plus comiques encore auprès du solide garçon qui tient à l’épaule la hampe du dais somptueux.

Et un de ces petits personnages, qui ressemble au chat botté, passe entre les rideaux sa tête casquée, pour me faire signe, et encore signe, avec une singulière insistance. — Est-ce possible ? Pluie d’Avril !… Pluie d’Avril en samouraï à deux sabres ! Non, jamais je ne l’avais vue si étonnante et si drôle ; une cuirasse, toute une armure, un casque et des cornes ; sur le minois, des traits au pinceau pour donner l’air terrible qu’ont les guerriers des vieilles images, et, par je ne sais quel procédé spécial, des sourcils remontés jusqu’au milieu du front. Auprès d’elle, son amie Matsuko, en samouraï également, la figure aussi peinturlurée dans le genre féroce, et les sourcils changés de place. Et puis trois ou quatre nobles douairières, dans les douze ou treize ans, fort blasonnées, avec des robes à traîne.

Cette fois, je fais cortège, bien entendu.

  1. Mousko, petit garçon.