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LES LETTRES
D’ELVIRE Á LAMARTINE

On retrouve tout entière dans un homme
la première femme qu’il a aimée.
LAMARTINE : Raphaël.


Non, le poète ne les avait pas toutes détruites, ces lettres confidentes du grand amour de sa vie. Le jour où il s’était résolu à faire le sacrifice longtemps retardé, quelques-unes avaient trouvé grâce. Conservées dans un carnet de deuil, — un carnet de cuir noir doublé de satin blanc, — elles y reposèrent sur une mèche des cheveux de celle qui les avait écrites. Elles n’y furent pas oubliées : l’usure des feuillets atteste la fidélité du souvenir. Depuis la mort de Lamartine, ce reliquaire d’amour était resté enfoui dans un tiroir secret du cabinet de travail de Saint-Point. On en soupçonnait l’existence ; personne ne pouvait dire qu’il l’eût tenu dans ses mains. Et le mystère subsistait. Car les strophes imprécises du Lac, non plus que la prose concertée de Raphaël, ne nous ont révélé le secret de cet amour qui a fait de Lamartine le poète des Méditations, et d’Elvire une sœur de Béatrix et de Laure. Il demeurait enfermé dans ces pages qui furent improvisées sous l’impression du moment, écrites sans artifice pour celui-là seul à qui elles étaient adressées, et où se livre sans réserve une âme passionnée, aimante et souffrante.

Ces lettres d’Elvire, M. Charles de Montherot, petit-neveu de Lamartine, et propriétaire de Saint-Point, a bien voulu nous en