Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

protestantisme imputait à la papauté les malheurs de l’Eglise. — Vous vous trompez, répond Moehler ; l’exaltation de la papauté fut au contraire la conséquence de ces malheurs. Il plaide pour la primatie plutôt qu’il ne la justifie ; il l’accepte plutôt qu’il n’y adhère ; et ce n’est point une apologie qu’il lui décerne, c’est un laissez-passer qu’il lui délivre. « Deux extrêmes sont possibles dans la vie de l’Église, écrit-il en terminant ; ils s’appellent l’un et l’autre égoïsme ; ils existent quand chacun, ou quand un seul veut être tout ; dans le dernier cas, le lien de l’unité devient si étroit et l’amour si ardent, qu’on risque d’étouffer ; dans le premier cas, tout se dissout tellement et devient si froid qu’on risque de geler ; un égoïsme engendre l’autre ; mais, ni un seul, ni chacun ne doit vouloir être tout ; tous seulement peuvent être tout, et l’unité de tous peut seulement former un tout. C’est là l’idée de l’Église catholique. »

Ce serait affaire aux théologiens de discuter, point par point, les thèses successives de ce livre ; et, consultant les écrits ultérieurs du même auteur, ils pourraient critiquer, et même, s’ils le voulaient, réfuter Moehler par Moehler. Si, par exemple, il leur semblait que la théorie de Moehler sur la connaissance de Dieu confine au traditionalisme, la cinquième édition de la Symbolique leur montrerait que Moehler, sans doute inquiet de l’attitude de Bautain, s’insurgea formellement, vers la fin de sa vie, contre un traditionalisme abrupt. S’ils estimaient que cette autre théorie, d’après laquelle la révélation serait purement accréditée par le témoignage de l’Esprit, méconnaît implicitement la valeur probante des miracles, la Symbolique encore, au chapitre sur l’Église, leur offrirait une satisfaisante rectification. A supposer enfin, — et l’hypothèse est plausible, — que le plaidoyer de Moehler pour la papauté leur parût indigne de cette auguste cliente, Moehler encore, tout le premier, leur donnerait pleinement raison.

Car, moins de deux ans après le livre de l’Unité, il expliquait en une belle page de son Athanase le Grand, que « le Pape, a qui Pierre a transmis sa dignité, est le chef avec lequel tous les membres sont placés dans une union organique ; que les évêques réunis à Sardique voulurent mettre tous les mouvemens des Eglises particulières en harmonie avec les siens ; qu’ils défendaient, à la voix d’Athanase, la divinité du chef invisible de l’Église, et qu’ils devaient, du même élan, défendre et relever le