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catholique. Munichois d’origine, appelé en Russie comme ingénieur, il avait en 1814 adressé, aux trois souverains de Russie, d’Autriche et de Prusse, un mémoire « sur les liens entre la religion et la politique, rendus nécessaires par la Révolution française : » le manifeste de la Sainte-Alliance lui fut une satisfaction. Alors, encouragé par les questionnaires scientifiques que lui adressait le prince Galitzine, il rêva d’une autre Sainte-Alliance entre la science et la religion : Saint-Pétersbourg en serait le centre, et les héritiers des Encyclopédistes, qui voulaient, eux, séparer la science d’avec la religion, trouveraient avec qui compter. Mais Baader, suspect aux uns d’être un démagogue, aux autres d’être un jésuite déguisé, dut abréger, en 1823, un nouveau voyage qu’il faisait en Russie : et lorsqu’en 1825, Munich devint ville savante, il se réjouit d’y pouvoir « enseigner la philosophie catholique de la nature, de la société civile et de la société religieuse, et chasser de la philosophie, comme Goerres les chassait de l’histoire, cette légion de diables qui depuis longtemps s’en étaient emparés. » Causeur incomparable, ses cours, au sortir de l’université, se prolongeaient à l’angle des rues, devant les promeneurs émerveillés ; il déroulait, à perte de vue, la série de ses digressions, qui toutes confluaient vers une interprétation théosophique de l’univers. Il était disciple du mystique Jacob Boehme, avant de l’être du catholicisme ; et même, ses dernières années seront consacrées à préparer l’union des Églises à l’écart de la « dictature papale. » Mais il se flattait toujours d’être catholique à sa façon ; et le livre qu’il avait dédié à Goerres sur « la bénédiction et la malédiction de la créature, » ainsi que d’autres écrits religieux qu’il appelait ses Sommes théologiques, déposaient en faveur de son christianisme, autant que leur obscurité permettait de les saisir. Doellinger songea même à le faire collaborer au Catholique, mais Goerres trouva que « ce Moïse, » lorsqu’il tenait la plume, « était inintelligible sans le secours d’un Aaron. » Baader s’éteignit en 1841 ; et sa mort fut catholique, comme avait voulu l’être sa pensée.

Schelling et Baader, par leurs nuances d’attitude, imposaient à l’opinion universitaire le respect du catholicisme, et Munich, grâce à eux, était la seule capitale d’Allemagne où la spéculation philosophique passât pour l’auxiliaire de la foi romaine. Mais on ne pouvait méconnaître que, pour de jeunes théologiens, le voisinage de ces aventureux systèmes n’était pas