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sans périls. La présence de Doellinger à la faculté de théologie, et puis, après 1836, la trop brève apparition de Moehler, contrebalancèrent efficacement ces dangers. Transportées par Doellinger dans les premiers siècles de l’Eglise, les imaginations s’assagissaient, et le catholicisme cessait d’être un thème de rêves pour devenir un thème de travaux érudits.

Jean-Joseph-Ignace Doellinger était théologien de profession : il l’était exclusivement, peut-être trop. « Pour presque tous les autres séminaristes, disait-il un jour, la théologie n’était qu’un moyen en vue d’un but. Pour moi, au contraire, la théologie, ou principalement la science fondée sur la théologie, était le but, et le choix de l’état sacerdotal (die Wahl des Standes) n’était qu’un moyen. » Ce sont là des propos qui eussent résonné désagréablement aux oreilles d’un Liebermann : le plus médiocre de ses clercs, étudiant avec un modeste directeur de séminaire les appels de la grâce, lui eût paru plus qualifié pour le sacerdoce qu’Ignace Doellinger, qui ne cédait qu’aux attraits tout intellectuels de la théologie. Chez Doellinger, le professeur primait le prêtre, et quand le professeur aura des difficultés avec son Eglise, le prêtre les terminera par une sécession.

C’est en 1825 que le jeune Doellinger, après avoir tant bien que mal étudié la théologie à Bamberg, était appelé à l’université de Munich. Il publiait en 1826 son premier livre, sur l’Eucharistie dans les premiers siècles ; le livre avait l’allure d’une thèse, faite d’après les textes. On sentait l’auteur très familier avec les Pères : l’intimité ne fit que s’accroître. Elle était troublée, de temps à autre, par les soucis contemporains : le besoin de dire son fait à Henri Heine ou de batailler au sujet des mariages mixtes faisait d’Ignace Doellinger un publiciste. Mais ce ne furent pas seulement les tentations du journalisme, ce furent aussi les obligations du professorat, qui retardèrent, chez Doellinger, l’activité productrice du savant. Pour l’enseignement de l’histoire ecclésiastique, tout un outillage technique était à créer. Il conçut le plan d’une encyclopédie théologique, à laquelle eût collaboré l’école de Mayence ; il remania le vieux Manuel d’histoire de l’Église dont Hortig était l’auteur ; à son tour, il entreprit un précis original, qu’il laissa inachevé. Grâce à ces travaux, plus ingrats pour sa notoriété scientifique que ne l’eût été la grande histoire des hérésies médiévales, qu’il projetait et n’écrivit pas, les facultés de théologie possédèrent