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Élisabeth de Hongrie, que Montalembert publiait à vingt-six ans, vie qui symbolise en quelque sorte la poésie catholique de la souffrance et de l’amour.

Il a raconté, en des pages qui sont dans toutes les mémoires, comment l’idée lui vint de l’écrire : sa visite à la célèbre église gothique de Marbourg, au cours d’un voyage sur les bords charmans de la Lahn ; ses impressions dans cette église déserte et devant les vieilles peintures qui représentaient l’histoire de celle à qui l’édifice était dédié, souveraine, il y a six siècles, de ce pays jadis catholique ; comment, se trouvant là, le jour même de la fête patronale, sa curiosité s’éveille ; comment il est séduit et charmé par la figure idéale, par les épreuves, par l’héroïque charité d’Elisabeth ; comment le doux et triste souvenir de cette sainte délaissée, de cette veuve errante et exilée, morte à vingt-quatre ans, dirige et éclaire sa marche ; comment il entreprend, pour s’initier à sa vie, d’interroger les traditions populaires, les riches dépôts d’antique science que renferme l’Allemagne. Des recherches auxquelles se livra Montalembert, il n’est pas sorti seulement un chef-d’œuvre littéraire ; ces études lui ont permis d’élever à sa foi religieuse un premier monument auquel, toujours fidèle à lui-même, il en ajoutera un plus beau encore, bien des années après, quand il écrira ses Moines d’Occident. Mais l’intérêt est à présent de suivre cette foi qui s’est affirmée avec tant de force au début de la vie, de la suivre dans la lutte, dans le feu de l’épreuve, où elle donnera la mesure de ce qu’elle vaut.


III

Il y a une sorte de beauté tragique dans les luttes intérieures que subit Montalembert avant sa rupture avec Lamennais. Sur cette rupture on a écrit des volumes, et l’intérêt n’en est pas épuisé.

Lamennais avait séduit Montalembert dès leur première rencontre à Paris, en 1830, et il l’avait enrôlé sous le drapeau du journal l’Avenir. Après une année passée dans l’intimité de ce « grand et saint homme, » comme il l’appelait, Montalembert aspirait chacune de ses pensées, et ne voyait plus que par ses yeux les hommes et les choses. Et pourtant, à l’heure où les rédacteurs de l’Avenir délibéraient sur la question de savoir s’ils