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même salle du Chàtelet, Mme Mottl vint chanter, et d’une manière exquise, l’exquise berceuse de Mozart : si tendre, plus que princière, et si près d’être divine, qu’elle eût mérité de bercer lui-même le presque divin enfant qui devait un jour la soupirer.

Haydn, « le père Haydn, » comme on dit et comme on peut dire, pourvu que ce soit tendresse et non mépris, a composé des symphonies plaisantes, ou « burlesques », pour les petits enfans. Solitaire et farouche, Beethoven ne les laissa point approcher. Mais le musicien du Roi des Aulnes a montré de quelle épouvante ils peuvent mourir,


Et pour que le néant ne touche point à lui
C’est assez d’un enfant sur son père endormi.


Schumahn a compris leurs jeux et quelque chose de leur âme. Plus d’une, parmi les Kinderscenen, dépassent le titre qu’elles portent. La phrase ardente de la Rêverie monte plus haut que de tout jeunes rêves, et le thème de l’Enfant s’endort est si noble, si pur, que Wagner ne le trouva point indigne de bercer, au sein des flammes protectrices, le sommeil de sa Walkyrie.

Les musiciens contemporains n’ont eu garde d’oublier les enfans. M. Massenet, de sa voix la plus câline, a prié qu’on ne leur fit « nulle peine, même légère, » et, l’autre soir, on a vu pour la millième fois, dans Carmen, marcher en chantant derrière les soldats tous les gamins de Séville. Enfin la Russie et l’Allemagne nous ont donné deux chefs-d’œuvre en ce genre : l’un, du sauvage et tendre Moussorgski, la Chambre d’enfans ; l’autre, Haensel et Gretel, de M. Humperdinck. Et tous les deux, sans que par ailleurs ils se ressemblent, contiennent l’âme enfantine et l’expriment tout entière, l’un avec plus de réalisme, l’autre avec plus de poésie.

Autant qu’à la maison, dans la rue ou sur le chemin, l’histoire de la musique nous montrerait les enfans à l’église. Le Meyerbeer du Prophète leur a confié l’un des morceaux — non le moins liturgique — de son office du sacre. C’est à des premiers communians que Gounod a dédié son plus tendre cantique. Wagner enfin, le Wagner de Parsifal, a bien senti que des voix d’enfans seraient seules assez pures pour ceindre d’une couronne sonore et vraiment céleste les sublimes polyphonies du Monlsalval.

Il y a plus, et les enfans, tant de fois objets ou sujets de la musique, en ont été pendant des siècles les interprètes et nous dirions volontiers les ministres. Jean de Bordenave, chanoine de Lascar, en Béarn, les appelait alors « l’âme de la musique. » L’église, qui ne