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autres se rapportent à la guerre d’Extrême-Orient, qui n’a été marquée jusqu’à ce jour que par des déceptions pénibles, et qui est devenue naturellement très impopulaire. Il est inutile d’insister sur la corrélation qui existe entre celles-ci et celles-là. Nous sommes de ceux qui croient qu’avec un effort patient et persévérant, un de ces efforts dont elle a déjà donné plus d’un exemple, la Russie reprendra l’avantage en Mandchourie et réparera ses défaites. Il n’en est pas moins vrai que la guerre, telle qu’elle a été conduite jusqu’ici, a révélé dans l’administration et dans le gouvernement lui-même des défauts dont on soupçonnait bien l’existence, mais dont on ne connaissait pas toute l’étendue. Il serait dangereux de fermer les yeux à cette leçon. Nous en avons, hélas ! reçu de semblables, et nous nous sommes efforcés d’en profiter. C’est, nous n’en doutons pas, ce que le gouvernement tout le premier se propose de faire en Russie, et c’est aussi ce que l’opinion lui demande.

Mais le moment est-il bien choisi, en pleine guerre et à la veille du jour où les opérations militaires vont recommencer, pour agiter ces questions difficiles, délicates, redoutables, et en chercher la solution à travers des voies qu’on ne peut pas s’empêcher de qualifier de révolutionnaires ? Le gouvernement ne l’a pas pensé, et cela explique les procédés auxquels il a eu recours. Quand il a vu les ouvriers de Saint-Pétersbourg se mettre en grève, à commencer précisément par ceux qui travaillent dans les manufactures d’armes et qui avaient à exécuter des commandes du caractère le plus urgent, l’impression qu’il en a éprouvée a été très forte et elle a évidemment influé sur ses déterminations ultérieures. Comment ne pas songer ici à l’exemple récent qu’a donné au monde un autre grand peuple, et ne pas en tirer une analogie qui n’est pas à l’avantage des agitateurs russes ? Il n’y a sans doute qu’une ressemblance lointaine et partielle entre la guerre que l’Angleterre a soutenue récemment au Transvaal et celle que la Russie soutient aujourd’hui en Extrême-Orient. Cependant la première a été hérissée de difficultés comme la seconde ; elle a été longue et sanglante, et le résultat a pu en paraître parfois incertain. Les Anglais se sont parfaitement aperçus alors que leur organisation militaire laissait à désirer, et que leur gouvernement avait manqué de prévoyance ; mais cela ne les a pas empêchés de faire jusqu’au bout bonne figure à mauvais jeu. Ils sont restés merveilleusement impassibles, sinon insensibles, et le monde entier a admiré leur attitude. Ils ont donné un bon exemple à suivre : l’opinion russe ne s’en est pas inspirée. Si l’on comprend son impatience, on ne peut pas en