Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’où elle est sortie trop tard, et par un acte malencontreusement improvisé.

Depuis lors, nous l’avons dit, les nouvelles sont devenues plus rares. On sait seulement que le mouvement gréviste s’est étendu à plusieurs villes et dans plusieurs provinces : partout il a été enrayé, mais on manque de détails sur les moyens qui ont été employés. La réaction est à l’ordre du jour. Elle est caractérisée à Saint-Pétersbourg par la nomination au gouvernement général de la ville du général Trépof, homme énergique, et par la disgrâce annoncée du prince Sviatopolk Mirsky, qui n’aura pas été longtemps ministre de l’Intérieur, et qu’on accuse d’avoir, par ses tendances libérales et réformatrices, déchaîné un mouvement qu’il n’a su ensuite ni contenir, ni diriger. En attendant, de nombreuses arrestations ont été opérées : elles portent de préférence sur des avocats, des professeurs, des journalistes, enfin sur les classes intellectuelles. L’Empereur n’est pas rentré dans sa capitale : peut-être n’y rentrera-t-il pas de sitôt et beaucoup le regrettent ; on a l’impression, en effet, que, s’il avait été présent, les choses se seraient passées différemment. Le pope Gapone, dont la physionomie reste encore énigmatique, a lancé contre lui des imprécations qui témoignent d’une grande exaltation d’esprit et qui obligent à se demander s’il n’a pas voulu lui-même, dès le début, pousser à l’action révolutionnaire. De part et d’autre, de grandes imprudences ont été commises. Nous les avons indiquées sans y appuyer, et nous souhaitons vivement qu’un pays auquel nous sommes liés par une communauté d’intérêts permanente et par une sympathie profonde sorte heureusement de la crise qu’il traverse. Quant au triste incident du 22 janvier, toutes les histoires en présentent d’analogues : il ne doit pas faire désespérer de l’avenir. Le gouvernement impérial, dans les manifestations auxquelles il se livre, se tait sur les réformes politiques, mais il multiplie les promesses relatives aux réformes sociales et ouvrières, ce qui indique de sa part, même au milieu de la répression à laquelle il se livre, le souci de réparer et de faire oublier. Le moment est donc plus opportun que jamais pour appliquer généreusement et complètement les réformes annoncées dans l’oukase du 25 décembre dernier.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.