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part, pourquoi n’en pas faire franchement un code ? Si, au contraire, on veut fondre, absorber ce droit dans le droit commun, placera-t-on, au chapitre du louage de services, les dispositions sur le contrat de travail, et chacune des autres dispositions sur toutes les autres matières près des articles qui s’en rapprochent le plus ou qui s’en écartent le moins ? Mais quelle mosaïque ! et quel jeu de patience ! avec ce résultat en perspective que, la partie gagnée, à supposer qu’on la gagne, il n’y aura plus de Code civil et il n’y aura point de code du travail, car le Code civil sera détruit (au moins dans cette harmonie qui fait sa beauté), et le Code du travail, disséminé, épars, ne sera pas construit. Aussi les techniciens les plus autorisés, comme M. Glasson et M. Thaller, se prononcent-ils résolument en faveur d’un code spécial du travail :

Le Code civil, écrit M. Thaller, ne peut pas tout englober, son ressort d’action a des bornes. Ce qu’il faut, c’est un Code du travail, à l’instar de la Gewerbeordnung allemande, coordonnant les dispositions protectrices du personnel de fabrique ou de domesticité, complétant ces dispositions à mesure que l’expérience en établira l’insuffisance. Ce Code doit être indépendant.


Submergé sous la législation du travail, le Code civil souffrirait d’un véritable étouffement. Il n’aurait plus de place pour légiférer sur la famille, sur les successions, sur les contrats. Voit-on les grèves, le contrat collectif, l’arbitrage, les assurances de retraites ou d’accidens, les règlemens d’atelier encombrer le Code civil, sans que ses cadres éclatent par là même ?


Ce sont, à la lettre, les expressions que nous avons tout à l’heure employées. Mais M. Thaller continue :


Il faut se faire à la pensée que certains contrats, même de toute première importance, peuvent avoir leur siège en dehors du Code : ainsi en sera-t-il du contrat d’assurance sur lequel il a été déposé un profit récent. Les réformes se rapportant au droit du travail sont en outre trop jeunes, trop instables, pour pénétrer dans un Code qui a besoin dans son dispositif d’un certain esprit de suite, d’une certaine permanence.


Ici apparaît la grosse objection, qui porte non plus sur la forme, mais sur le fond même, et presque autant contre un code spécial du travail que contre une introduction de la législation du travail dans le Code civil. « Mais, dit-on, ce droit du travail est encore incomplet, fragmentaire, il s’ébauche à peine, et votre code serait plein de trous. La preuve en est dans le projet de codification préparé par la Commission extra-parlementaire, où l’on