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les hommes des patriarches prêts à verser leur sang pour la cause hellénique. Que les Principautés valaque et moldave se félicitent donc d’avoir eu de tels hospodars ; ils les ont sauvées des pachas turcs. Ce ne furent point les Grecs qui les asservirent ; ce furent leurs propres boyars dont les rivalités les réduisirent à l’état de provinces byzantines. Le pompeux Quinet, au lieu de reculer devant les horreurs du Fanar et de lancer ses foudres contre les Fanariotes, aurait dû prendre garde que ces étrangers introduisaient en Moldavie et en Valachie les rudimens de la culture grecque et les principes d’une civilisation supérieure. Ils ne songeaient qu’à la libération de la Grèce. Mais leur était-il défendu de voir se lever sur les roseaux du Danube l’étoile messianique de leur délivrance ? Ils promenaient à travers des peuples qui semblaient morts l’idée d’une résurrection. Les Turcs, imprudemment, avaient ouvert les cimetières roumains à des thaumaturges très circonspects, il est vrai, mais dont la voix devait un jour réveiller la Grèce. Et qui se mêle de ressusciter les morts sait-il jamais quels morts sortiront les premiers du tombeau ? Quand les vieilles femmes de Constantinople et toute la canaille des rues, sans respect de ces fils d’hospodars ou hospodars futurs, outrageaient et lapidaient les giaours du Fanar, ceux-ci, habitués à dévorer l’injure, ne répliquaient que par ces mots énigmatiques : θὰ ἔλθῃ το ῥωμᾶϊκο (viendra le romaïque ! ) Le romaïque, c’était dans leur esprit le triomphe de la Grèce : ce pouvait être aussi le triomphe du vieil élément roumain. Et puis ils aimaient la terre roumaine, — je ne dis pas qu’ils l’aimaient comme M. Kalindero, oh non ! — mais elle les attirait d’un invincible aimant. Pour en jouir deux ou trois ans, ils affrontaient les supplices et la mort aux écueils du retour. Prisonniers, déchus, n’ayant conservé leur tête qu’au prix de leurs biens, ils ne s’estimaient pas encore rassasiés de la douce et triste Roumanie. D’ailleurs, ils n’avaient pas attendu d’en être les princes pour en poursuivre la conquête. À la chute de Byzance, tandis que leurs savans cinglaient vers l’Italie, leurs commerçans plus modestes trouvaient leurs Apennins au-delà du Danube. Et je me demande si la Roumanie n’aurait pas quelque raison d’en remercier la Destinée. Ils ne l’ont pas plus pillée que n’eussent fait ses boyars. Leurs grammairiens, qui écrivaient des in-folio de cinq cents pages sur la particule τι, ne l’ont pas plus assommée que n’eussent fait ses popes. Ce n’est point avec