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Et les magnolias et les eucalyptus
Mêlent dans les jardins leurs senteurs exhalées,
Et, pas à pas, l’on croit s’enfoncer toujours plus
Dans l’ombre en même temps et l’odeur des allées.

Et tous deux, ô ma sœur élue et mon enfant,
Nous passons éblouis d’espoir sous l’azur sombre,
Ouvrant à l’avenir, comme ils s’offrent au vent,
Notre âme en fleur pareille aux beaux rosiers sans nombre ;

Nous passons, par momens d’un geste grave et doux
Enlacés dans la soie obscure de tes voiles,
Heureux d’aimer, heureux à fléchir les genoux,
Et plus émus encor, sous les vieilles étoiles,

De sentir la pauvre âme humaine heureuse en nous !


ALLÉE


C’est une allée étroite et massive de buis.
Le plus vif soleil meurt dans ses épais rideaux
Et dès l’entrée on sent, sur le front et le dos,
Une opaque fraîcheur de caverne ou de puits.

Il y fait presque froid, il y fait presque nuit ;
Tant d’ombre coule au pied des grands murs végétaux
Qu’on s’étonne d’y voir, comme entre deux linteaux,
Onduler, bleu ruban, un peu d’azur qui luit.

Et soudain la paroi verte et profonde s’ouvre,
Et par la brèche, au bas du vieux parc, on découvre
Un paysage fin comme un fond de portrait :

C’est l’Anjou, ses coteaux légers, lourds de leurs vignes,
Sa Loire lente où dort la plaine aux longues lignes,
Et son beau ciel, si tendre à voir qu’on en mourrait…