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l’enseignait et l’éthique rationaliste où se complaisait l’âge précédent : Hirscher détestait la vertu qui ne procède pas de la foi ; elle risquait fort, à ses yeux, de n’être que de l’amour-propre. Les catholiques, avant lui, s’édifiaient tant bien que mal dans les livres de méditations du nouvelliste suisse Zschokke, sorte de profession de foi du Vicaire savoyard délayée dans un pieux langage ; quant aux prêtres, c’est souvent en lisant des prédications protestantes qu’ils tenaient leur âme en haleine : les écrits d’Hirscher marquèrent un renouveau dans la littérature pieuse. D’aucuns ont pu dire qu’il fut un médiocre théologien : de fait, il ignorait la scolastique, et traîna toujours derrière lui l’importun souvenir d’une brochure de jeunesse sur le sacrifice eucharistique, que l’Index avait frappée. On lui reprochait, aussi, un certain esprit de conciliation à l’endroit du gouvernement ; et lui-même ne démentait pas qu’il préférât à une politique de menaces un pacifique recours à l’esprit de justice et de bienveillance de l’Etat. Il n’est pas rare, dans les conflits humains, que le tempérament même des hommes leur soit imputé à péché : hardis, on les accuse d’être fous ; prudens, d’être lâches. Le converti Hurter, son ami le baron de Rinck, desservirent Hirscher auprès de la nonciature de Suisse : sa prudence leur déplaisait. Qu’à cela ne tienne, ripostait une voix : « Ceux qui méprisent et tracassent Hirscher sont des formalistes inintelligens et d’aveugles fanatiques. » C’est Diepenbrock lui-même qui parlait ainsi, deux ans avant d’occuper le siège de Breslau. Il trouvait à Hirscher, — et c’était sous la plume de Diepenbrock le plus vif des éloges, — beaucoup d’affinités avec l’évêque Sailer. Sailer suspecté avait attendu la mitre jusqu’à l’extrême vieillesse ; Hirscher suspecté renonça de lui-même aux coadjutoreries de Fribourg ou de Rottenburg, et jamais il n’échangea sa chaire de professeur contre un trône épiscopal. Hirscher, comme jadis Sailer, professait la théologie morale, et c’est dans cet enseignement même, poursuivi durant plus de quarante ans, que s’élabora son œuvre de catéchiste.

La morale chrétienne, telle que l’enseignait Hirscher, était la réalisation du règne de Dieu dans l’humanité ; et le catéchisme, tel qu’il le concevait, était comme l’histoire de ce règne. Il voulait que le catéchiste, dans sa façon de dévoiler aux enfans l’œuvre du salut, suivît l’ordre historique dont Dieu même fit choix pour lever les voiles. Les deux premiers livres de son