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et à faire des gestes auxquels la hiérarchie devrait déférer ?

C’était là, dans toute son acuité, l’objet du débat. Les évêques, à cette double question, devaient répondre par un double non ; et leur force, qui leur permettait d’envisager avec calme les évolutions du lendemain, résidait dans l’instinct du peuple catholique, qui, avec eux et comme eux, répondait non. Ils pouvaient s’appuyer sur les fidèles eux-mêmes pour résister aux théories qui s’essuyaient à flatter les fidèles en les voulant investir d’une anormale souveraineté.


VII

C’est qu’en effet, malgré les récentes misères de l’Eglise d’Allemagne, un fonds solide d’habitudes religieuses s’était en beaucoup de régions maintenu dans le peuple. Les instituteurs qu’avait formés le célèbre Overberg avaient éveillé, dans les villes et campagnes de Westphalie, un esprit de foi, robuste et grave, qui devait survivre longuement à toutes sollicitations adverses. En terre rhénane, bien que l’archevêque Droste-Vischering, qui vivait isolé dans son palais, fût assez peu connu, une plaie s’était ouverte en beaucoup d’âmes lorsque la Prusse l’avait emprisonné ; et l’on avait vu la foule s’émouvoir et monter la garde, en certaines villes, de crainte que d’autres prêtres ne fussent arrêtés. Plus plastique et plus mou, n’ayant jamais éprouvé à l’endroit du gouvernement de Montgelas la révolte d’antipathie qui soulevait les consciences rhénanes contre Berlin, le peuple bavarois cédait toujours à la voix pénétrante des cloches, qui l’appelait à l’église peur l’Angélus du soir ; et par-dessus les frontières du Tyrol s’épanchaient, dans la Bavière méridionale, des souffles d’ardente dévotion, — de cette dévotion qui jadis, en face de l’envahisseur, avait spontanément, en une grande manifestation populaire et militaire, salué dans le « Cœur de Jésus » le suzerain du Tyrol. On voyait, en Wurtemberg, des fidèles se cabrer contre le clergé, parce qu’il traitait les espèces eucharistiques avec irrespect, et d’autres prévenir le Roi qu’ils aimaient mieux n’avoir point de curés mariés ; et quant aux Badois qui avaient l’âge d’homme aux environs de 1840, ils étaient, s’il en faut croire Stolz, singulièrement ignorans du catéchisme, mais il n’était pas rare que, souffrant de leur ignorance comme d’une disette, ils s’en fussent en Alsace, en longues