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gouvernement et des partis. Les journaux qu’il a conservés à sa dévotion, soit par les liens de la reconnaissance, soit par ceux de l’espérance, ont fait valoir le dernier service qu’il avait rendu à la République : il avait démissionné, nous allions dire abdiqué, pour ne pas servir d’obstacle à la reconstitution, sur des bases solides, d’une majorité qui était sur le point de se débander. Comment aurait-il pu se désintéresser, après cela, du succès d’une œuvre à laquelle il s’était sacrifié ? Aussi n’a-t-il eu rien de plus pressé que de se faire élire président de son groupe au Sénat, et a-t-il prononcé, en prenant possession du fauteuil, un discours qui s’adressait beaucoup plus au nouveau cabinet qu’à ses collègues, et qui avait toutes les allures d’un ultimatum. M. Combes voulait bien faire connaître à M. Rouvier à quelles conditions il lui donnerait son concours. Il parlait d’ailleurs sur le même ton impératif que lorsqu’il était au ministère, laissant à M. Rouvier le pouvoir apparent et retenant pour lui le pouvoir effectif. Ses successeurs étaient mis en demeure d’accomplir sans plus tarder les réformes qu’il avait lui-même si souvent promises, sans jamais les réaliser. M. Combes a passé, en effet, deux ans et demi aux affaires : qu’a-t-il fait pour les réformes ? Il a eu, on peut le dire, l’impôt sur le revenu tué sous lui ; il a complètement négligé les retraites ouvrières ; il a retardé la préparation de la séparation de l’Église et de l’État en se refusant pendant longtemps à déposer un projet sur la matière, et, finalement, en déposant une feuille de papier qui n’en était pas un. Voilà, exactement, sa participation aux réformes ! On se rappelle avec quelle âpreté M. Millerand lui en a reproché l’insuffisance, ou plutôt la stérilité, et on aurait tort de croire que ce discours lui ait paru sans portée puisqu’il le reprend aujourd’hui pour l’adresser à M. Rouvier. Mais celui-ci n’étant au pouvoir que depuis trois semaines, il est vraiment un peu tôt pour lui demander comme Bonaparte au Directoire, à son retour d’Egypte : — Qu’avez-vous fait de cette France que je vous ai laissée si brillante ? Qu’avez-vous fait de ces réformes que je vous ai laissées si avancées ? — Sans doute M. Combes a posé la question de la séparation ; son discours d’Auxerre en fait foi ; il a agité les esprits ; il s’est efforcé de placer l’Église de France dans une situation aussi fausse qu’il l’a pu. Mais son action s’est arrêtée là, et c’est M. Rouvier le premier qui, à tort ou à raison, a déposé sur la séparation un projet de loi véritable. — Eh quoi ! dira peut-être M. Combes : comptez-vous pour rien ce que j’ai fait dans le diocèse de Dijon ? — Parlons-en donc puisqu’il s’en vante.