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Les tristes aventures de deux évêques ont fait trop de bruit, il y a quelques mois, pour qu’on les ait oubliées. L’un de ces prélats, Mgr Le Nordez, vient encore d’appeler l’attention sur lui. Après de longues tergiversations, il a donné à la fois sa démission à Rome, où elle a été acceptée, et à Paris, où elle ne l’a pas été, de sorte qu’il est toujours évêque de Dijon pour le gouvernement de la République, et qu’il a cessé de l’être pour le Pape. Si, de part et d’autre, on s’était inspiré de l’esprit et même de la lettre du Concordat, l’affaire aurait été réglée entre les deux pouvoirs en vertu d’une entente amiable. L’entente étant impossible, puisqu’on n’en voulait à aucun prix à Paris ; le Pape a cru pouvoir passer outre et provoquer par une pression unilatérale. la démission de l’évêque de Dijon. Ce procédé exigeait des réserves, et nous les avons faites : mais, en fait, la situation était devenue intolérable, et, puisque l’Église et l’État n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord pour la nomination des évêques, ils n’y auraient pas mieux réussi pour leur révocation.

Quoiqu’il en soit, Mgr Le Nordez étant démissionnaire auprès de l’autorité spirituelle, ne devait plus exercer aucun acte de sa fonction. Il avait lui-même, en temps opportun, investi de ses pouvoirs ses deux grands vicaires qui administraient régulièrement le diocèse à sa place : il était donc permis d’espérer qu’il se tiendrait dans la retraite où il s’était placé avec une liberté apparente ou réelle, mais enfin de son propre mouvement. Que s’est-il passé dans son esprit, on l’ignore. A-t-il agi spontanément ou par suggestion, on ne le saura peut-être jamais. Mais un jour, sans se donner la peine d’expliquer sa décision, il a révoqué d’un trait de plume ses deux grands vicaires. Mgr Le Nordez n’ayant donné jusqu’ici aucun signe de dérangement mental, a dû savoir ce qu’il faisait. Il ne pouvait pas se méprendre sur les conséquences inévitables de son initiative. Elles ne tendaient à rien moins qu’à créer dans le diocèse de Dijon une situation qui n’est pas inextricable comme on se plaît quelquefois à le dire, mais qui est très délicate, et dont les partisans de la séparation de l’Église et de l’État devaient seuls tirer parti. En effet, Mgr Le Nordez ne pouvait plus administrer son diocèse, puisqu’il avait donné sa démission au Pape, ni nommer de nouveaux grands vicaires puisque le Pape ne les aurait pas agréés. D’autre part, les anciens grands vicaires, s’ils continuaient d’être reconnus par le Pape, ne pouvaient plus exercer leurs fonctions, puisque, aux yeux du gouvernement français, ils avaient été valablement révoqués par leur évêque. Il fallait toutefois que leur révocation fût ratifiée par le gouvernement, et c’est ici que M. Combes