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aideroient à conquerre le royaume de Jérusalem sur les Sarrazins. » Houlagou offrait la Syrie en échange d’une alliance. Saint Louis ne paraît pas avoir aperçu tous les avantages qu’il aurait pu tirer d’une pareille combinaison ; ces chrétiens d’Occident n’arrivaient pas à comprendre qu’il pût y avoir des chrétiens sur les confins de la Chine et, malgré tout, ils se défiaient des « barbares. » Saint Louis fit une réponse honnête, mais vague, et il envoya au Khan une belle petite chapelle « que il lour fist faire d’écarlate, » et deux moines pour chanter messes. Ces politiques réalistes prirent mal la pieuse intention du bon roi ; son envoyé, Guillaume de Rubruquis, rapporta une lettre des plus cavalières où le Khan traitait le roi de France en vassal et lui rappelait l’interminable liste des peuples vaincus par les Mongols. Le bon Sire comprit son erreur et la maladresse de son envoyé ; « et sachiez qu’il se repentit fort quand il y envoya. » Il était trop tard ; l’occasion était manquée : saint Louis, en Égypte, se heurta aux vieil les bandes turques qui, depuis tant d’années, reculaient devant les Mongols et qui se ralliaient, au Caire, sous l’étendard musulman : ce furent ces soudards qui vainquirent à la Massoure. Houlagou, pendant ce temps, triomphait, écrasait les Assassins, entrait dans Bagdad, dont il faisait égorger tous les habitans, mettait à mort le Khalife et supprimait le Khalifat (1258). La Syrie, avec Alep et Damas, était bientôt conquise. Mais là, les armes mongoles, depuis si longtemps invaincues, allaient trouver le terme de leurs triomphes. Un aventurier Kiptchak, au service du sultan d’Égypte Koutouz, Beïbars (la Panthère), rassemblant tous les reîtres turcs qui fuyaient devant Houlagou, ralliant les derniers compagnons de Djelal Ed-Dine, battit Kit-Bouka et ses Mongols près d’Aïn-Djalout (les sources de Goliath) en Palestine. C’était la revanche de l’Islam qui commençait. Bientôt, la « Panthère » poignardait son maître, prenait sa place, conquérait la Syrie, abattant les églises, proclamant le triomphe de Mahomet, enlevant aux Francs leurs dernières places, le Krak et Saint-Jean-d’Acre. L’Islam, après une courte éclipse, remportait ; bientôt tous les Mongols et les Turcs de l’Ouest allaient eux-mêmes se convertir à la foi du Prophète. Le règne de Timour, au XIVe siècle, marque le triomphe définitif du Croissant ; c’en était fait du christianisme en Asie.


L’Asie, nous l’avons dit, est le pays de l’immuable, en ce