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aussi, soit lassitude, soit prudence ; car les colères de Clésinger sont effrayantes. Au chevet de son beau-père mourant, elle renonce à ses poursuites, et le brave homme expire en la remerciant. Mais Clésinger ne tient pas ses promesses. De là, rupture, procès en restitution de dot. Clésinger reconnaît qu’il doit au moins à Solange la rente des 50 000 francs restans sur la vente de l’hôtel de Narbonne ; mais il réclame l’enfant. Alors commence cette lutte pour l’enfant qui est l’épisode poignant de cette histoire, le seul qui mérite de nous attacher, à cause des souffrances de la mère et de la grand’ mère durant cet atroce débat, et de la catastrophe qui le dénoue. Mettre Nini en sûreté, disputer Nini au tribunal, la préserver d’un enlèvement, la cacher, telle est l’unique préoccupation des deux femmes, au milieu de quelles alertes !


Solange à sa mère.

avril 1852.

Mon mari est un fou… s’il en fut jamais… Je consens de tout mon cœur à ce que l’enfant te soit remise. Toi ou moi c’est la même chose. Mais je ne veux à aucun prix la lui confier deux mois par an… A présent, elle est trop jeune pour être abandonnée à un pareil homme qui la laisse manquer de tout. Plus tard, ce sera une jeune fille. Et il sera tout aussi dangereux de la laisser à un homme aussi grossier, aussi cynique, un homme qui a de pareilles relations et qui ne respecte rien au monde…


Pendant ces tiraillemens, Nini faisait la navette entre Besançon (chez les beaux-parens de Solange) et Nohant. Après une absence un peu prolongée, elle ne reconnut pas sa mère, et ne s’apprivoisa qu’à la longue avec elle. Ce fut pour Solange un premier coup de poignard. A Nohant, du moins, on entretenait le souvenir de la maman absente A peine est-elle tranquille, nouvelle alerte : « Cache Nini ! envoie-la au Coudret, » écrit-elle à sa mère, le 25 août. Clésinger parle de l’enlever. George Sand met Nohant en état de défense ; elle mobilisera, s’il le faut, les pompiers de Manceau ; si Clésinger veut user de violence, il est sûr de trouver à qui parler.

La correspondance ne roule plus que sur l’innocente, qui joue, en riant aux éclats, dans le parterre de Nohant. Quels soins aussi, que de sollicitude ! En août elle a la dysenterie. Tout le monde la soigne ; mais, comme elle est la « reine des