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Quand viens-tu à Paris, ma mignonne ? Qu’il me tarde de te voir ! Écris-moi, dis-moi que tu m’aimes, et que quand tu souffrais, autrefois, ma présence te consolait. Adieu, embrasse Maurice pour Nini et pour moi ; à toi, Solange… Mardi. [Vers le 15 octobre 1851].


De tels accens ne pouvaient laisser une mère insensible. Nous voyons son inquiétude croître de billet en billet. Elle appelle Solange à Nohant, pour « causer. » Le 5 novembre, elle écrit à Poney :

Solange est venue ici passer quelques jours avec sa fille. La petite est ravissante. Solange n’est pas heureuse. Son mari est fou à moitié, et elle n’est pas du tout souple. Je ne sais si cette union ira loin, et, comme vous pouvez croire, je suis bien triste.


Ainsi s’achève l’année 1851 qui s’annonçait si brillante.


XI

Les années 1852, 1853, 1854 sont remplies par les démêles de Solange avec son mari. George Sand avait bien prévu. C’était déjà la désunion, ce fut bientôt la brouille, puis les procès. Le mari et la femme vivent sur le pied de deux ennemis, tantôt s’épiant pour se surprendre en faute, tantôt se harcelant d’exploits d’huissier, tantôt se prêtant à quelque raccommodement boiteux dont les clauses sont tout de suite-violées ; et les hostilités recommencent. Tout cela est fort oiseux à raconter, et parfois répugnant. Disons vite que Clésinger semble avoir eu presque tous les torts, du moins jusqu’en mai 1854. C’est lui qui est responsable de la vie de bohème que mena le ménage dès le début, situation qui s’aggrava lorsque l’avènement de l’Empire eut exalté chez Clésinger la folie des grandeurs. Il voulait faire figure aux Tuileries, ne rêvait que projets gigantesques, escomptait et dévorait d’avance les sommes que ces projets lui rapporteraient, lâchait la bride à tous ses instincts de désordre. Il avait un atelier, mais rarement un appartement. Sn femme, privée du strict nécessaire pour entretenir un ménage, n’était guère soutenue, à la lettre, que par les subsides de Nohant et par ceux plus irréguliers, mais cependant effectifs, envoyés de Guillery par son père. Comment s’étonner que Solange ait demandé la séparation dès le début de 1852, et que ce soit elle, deux ans durant, qui ait attaqué son mari ? Elle désarme d’ailleurs fréquemment