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avaient complètement anéanti les forces russes, ce qu’ils n’ont pas fait encore. Les deux armées se trouvent aujourd’hui front contre front à l’endroit même où elles se sont immobilisées au commencement de l’hiver, après une bataille qui est restée indécise. Cette fois, l’effort des Japonais s’est arrêté avant d’être victorieux, et rien par conséquent n’interdit aux Russes l’espoir de prendre leur revanche. C’est à ce moment qu’on leur demanderait de reconnaître à l’ennemi la possession de la Corée et du Liao-Toung, de consentir au démentèlement et à la neutralisation de Vladivostock, et de restituer à la Chine la partie de la Mandchourie que le Japon ne jugerait pas à propos de s’approprier ! Il est probable qu’il n’y a là qu’un de ces ballons d’essai que la main qui les lance peut toujours désavouer, et auxquels il ne faut pas attacher grande importance. Les opérations militaires recommenceront bientôt. C’est alors qu’on pourra se rendre compte des changemens que l’hiver aura apportés dans la force respective des deux armées, et qu’il sera possible aussi, autant du moins que le comporte l’incertitude inhérente aux prévisions de ce genre, d’en établir quelques-unes pour l’avenir prochain.

La crise que traverse la Russie est assurément très grave, d’autant plus grave qu’elle a un double caractère, militaire au dehors et révolutionnaire au dedans. Mais, sans parler de nous-mêmes, d’autres nations en ont traversé de semblables et en sont sorties, sans avoir toujours eu les ressources dont la Russie dispose. Ce qui lui a manqué jusqu’ici, c’est un gouvernement capable d’ordonner, d’organiser ces ressources et d’en user avec vigueur. Le régime absolu s’est montré impropre à cette tâche. Mais cela ne veut pas dire qu’on puisse, du jour au lendemain, donner au pays un gouvernement parlementaire, celui de tous qui a besoin du plus long apprentissage. Ceux qui croient que les premières réformes à faire sont des réformes économiques et sociales sont probablement dans le vrai. En tout cas, il est hors de doute que des crimes qui affligent et révoltent l’humanité, comme l’assassinat de M. de Plehve et celui du grand-duc Serge, ne peuvent que nuire au progrès, le ralentir ou le faire reculer. Et nous nous excusons d’avoir l’air de rechercher ici ce qui peut être utile ou nuisible, puisque nous sommes en présence d’un de ces actes que condamne la morale éternelle, au nom de la loi suprême qui s’est énoncée dans les mots : Tu ne tueras pas.


Le parlement anglais a repris ses travaux, et les premières batailles qui lui ont été livrées par l’opposition ont été des succès pour le