signatures, à se débarrasser par tous les moyens des gens qui gênaient, ou même de temps en temps de ceux qui ne gênaient pas, sans autre motif que de se faire la main. C’était pour Catilina une manière d’exercer ses gens et de les compromettre, pour qu’une fois entrés dans la bande il leur fût impossible d’en sortir. Ces jeunes gens formaient autour de lui une sorte de garde d’honneur, composée en général de fils de famille qui avaient perdu toute leur fortune, mais qui conservaient tous leurs vices. La verve de Cicéron est intarissable quand il les dépeint voltigeant sur le Forum ou assiégeant les alentours du Sénat.
Ils ruissellent de parfums, ils resplendissent de pourpre, ils suivent toutes les modes du jour ; les uns se font soigneusement épiler, les autres portent une barbe abondante et bien frisée ; ils sont vêtus de tuniques qui tombent sur leurs talons, ils ont des manches traînantes[1], leurs toges sont faites de tissus si légers qu’on dirait des voiles de femmes. » Ces jolis garçons, si gracieux, si délicats, sont en même temps des joueurs et des mignons ; ils n’excellent pas seulement à danser et à faire l’amour, au besoin ils versent le poison et manient le poignard. Cicéron témoigne pour eux une pitié ironique, quand il songe qu’ils vont partir en guerre et qu’ils se mettent à la suite de Catilina, pour faire campagne avec lui : « A quoi pensent ces malheureux ? Emmèneront-ils leurs maîtresses dans leur camp ? mais pourraient-ils s’en passer, surtout dans ces longues nuits d’hiver ? Et eux-mêmes, comment supporteront-ils les neiges et les frimas de l’Apennin ? Se croient-ils en état de braver les rigueurs de la saison parce qu’ils se sont accoutumés à danser tout nus dans les festins ? »
Ce tableau nous montre bien à qui nous avons affaire : pour beaucoup de ces jeunes gens la conjuration n’était qu’un coup de main de viveurs aux abois sous la conduite d’un ambitieux sans scrupule.
Quand Sylla mourut, Catilina n’eut pas de peine à voir qu’il ne laissait pas d’héritier, et, comme il avait bonne opinion de
- ↑ Cic. Catil., III, 10. Ces manches étaient un des signes distinctifs des jeunes débauchés. Virgile reproche à des gens qui n’étaient pas de véritables guerriers de n’avoir pas les bras nus et de nouer leurs couvre-chefs avec des mentonnières : Et tunicæ manicas et habent redimicula mitræ, IX, 616.