Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans ces caractères on trouve les élémens d’une différenciation bien nette entre la suggestion d’une part et la persuasion, le conseil, la prédication de l’autre.

Bernheim, qui a tant fait pour l’édification symptomatique de l’hypnotisme, l’a ensuite détruite de ses propres mains en identifiant la suggestion à tout autre mode d’action et d’influence d’un psychisme sur un autre. La suggestion, dit-il, est « l’acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau et acceptée par lui. » Alors l’enseignement, la lecture, la conversation, les spectacles, tout est suggestion. C’est une confusion de langage. Et, comme dit M. Pierre Janet, « on voit décrire sous le même nom la leçon d’un professeur à ses élèves et les hallucinations provoquées chez une hystérique. Il n’est plus possible de distinguer la maladie mentale, qui est pourtant une triste réalité, de l’état psychologique normal[1]. »

Pour qu’il y ait suggestion au vrai sens scientifique du mot, il faut qu’il y ait hypnose, c’est-à-dire désagrégation chez le sujet des centres psychiques supérieurs qui dorment, et des centres psychiques inférieurs qui se laissent influencer et diriger par l’hypnotiseur. Tout autre est la persuasion qui s’adresse à l’entier psychisme de l’auditeur et ne cherche nullement à le désagréger préalablement.

Quand j’écris ces lignes, je m’efforce de convaincre l’entier psychisme du lecteur ; je m’adresse à son psychisme le plus élevé, cherchant son assentiment raisonné ; je laisse à mon lecteur son libre examen et sa faculté de contrôle, tandis que l’hypnotiseur supprime d’abord chez le sujet toute l’action, libre et responsable, de contrôle des centres supérieurs, et aux centres inférieurs, ainsi désemparés, il impose sa propre manière de voir, que le sujet subit et accepte par force.

L’hypnose, sommeil provoqué par les pratiques de l’hypnotisme, état de suggestibilité, est donc une nouvelle manifestation de l’activité émancipée des centres psychiques inférieurs.

Dans cet état d’hypnose, le psychisme inférieur n’est pas toujours passif ; il manifeste parfois son activité propre. C’est ce qui arrive quand on change, par suggestion, la personnalité d’un sujet. Par ordre, l’hypnotisé devient général ou archevêque ;

  1. « L’École de Nancy, dit Myers, parle de la suggestion comme si elle était comparable à la persuasion supraliminale, à un effort supraliminal. J’ai essayé de montrer que son efficacité réelle tient à des processus subliminaux… »