De même si, avec Bernheim, on étend le mot suggestion à toutes les influences d’un psychisme sur un autre, on déclarera irresponsables non seulement ceux qui ont été réellement suggérés dans l’hypnose, mais ceux qui ont été persuadés, conseillés, entraînés… Tous les mobiles et tous les motifs deviennent des instrumens de suggestion. Et comme seul le fou agit sans mobiles et sans motifs, tous ceux qui ne sont pas fous deviennent irresponsables.
Cet abus de l’irresponsabilité disparaîtra ou deviendra bien moins dangereux si on sépare soigneusement les deux ordres de psychisme : il n’y a d’irresponsabilité que quand O n’est pas intervenu dans l’acte ou quand O est malade.
Il faut donc distinguer les maladies mentales, qui sont les maladies de O et entraînent l’irresponsabilité, et les maladies psychiques qui peuvent laisser O intact et par suite laisser la responsabilité intacte ou seulement l’atténuer.
De même, pour la suggestion et la persuasion : si j’endors un sujet, si j’annihile son O, que je m’adresse à son polygone ainsi désagrégé et que, dans cet état, je lui fasse commettre un crime, il n’est pas responsable et je suis seul coupable. Mais si, comme je m’efforce de le faire en ce moment, je m’adresse à l’entier psychisme de mon lecteur, si je cherche à le persuader, si je cherche à convaincre son O, au lieu de chercher à l’annihiler comme tout à l’heure, je ne lui enlève aucune responsabilité des actes qu’il pourra commettre après la lecture de mon article.
Ainsi envisagée, la question du psychisme inférieur dépasse le domaine ordinaire de la physiologie et de la médecine et apparaît comme un de ces grands chapitres de biologie humaine, qui intéressent les philosophes, les sociologues et… tout le monde.