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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/358

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Il demandait des prières pour le peuple : « Les peuples déracinés ne revivent plus ; priez pour les peuples qui ne sont plus rien ! » Une nuit, il se crut veillé par « un petit homme qui lui disait de grandes paroles : » c’était saint Paul. Le 29 janvier au matin, Goerres n’était plus. « Il semble qu’on fait un saut dans le noir, » gémissait le peintre Steinle. Goerres disparaissait à l’heure fugitive où les Lolamontains étaient tout, où les ultramontains et les peuples semblaient n’être plus rien, où son imagination déconcertée mourait à l’espérance ; mais c’était, au contraire, dans l’année qui s’inaugurait, que les peuples allaient recommencer d’être tout. S’il eût vécu quelques mois encore, il eût assurément pris sa place dans ce parlement de Francfort où l’Allemagne allait s’essayer à vivre. Moïse, du moins, était mort en vue de la Terre promise ; Goerres, que Gentz, autrefois, appelait un autre Moïse, succombait en vue des ténèbres. Mais trois jours après sa mort, le mois de février s’ouvrait, qui devait assurer à l’année 1848 une figure unique dans l’histoire.

Avec la mort de Goerres, avec la défection de Louis Ier, bientôt suivie de son abdication, s’achevait la période glorieuse de l’école de Munich : même au temps où elle avait trouvé un surcroît de force dans les sympathies royales, elle avait professé, fièrement, que l’Eglise ne doit souhaiter pour elle-même qu’une autonomie parfaite, sans privilèges offensans. Du jour où les protestans bavarois avaient interprété comme un acte religieux, choquant pour leur conscience, l’ordre donné aux soldats de s’agenouiller devant le Saint-Sacrement, Doellinger, après avoir polémiqué contre eux, avait été le premier à déclarer qu’on devait avoir égard à leur susceptibilité. L’Église, non plus en Bavière qu’ailleurs en Allemagne, ne demandait aucune faveur, mais seulement le respect de son indépendance spirituelle. Et de tout temps, pour obtenir ce respect, les publicistes de Munich avaient mis leur confiance dans le peuple, beaucoup plus que dans les souverains. Ainsi dès 1830, à la nouvelle que les catholiques de la province ecclésiastique du Haut-Rhin songeaient à invoquer l’empereur d’Autriche contre l’absolutisme des petits États, Moy écrivait au Mémorial catholique, de Paris : « Les principes que ces États ont établis étant puisés en grande partie dans la législation autrichienne elle-même, nous ne saurions nous attendre de ce côté à quelque démarche énergique ni à quelque mesure efficace. Loin de nous en affliger, nous ne