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saurions nous empêcher de nous écrier : Quel bonheur que Rome soit obligée enfin de s’adresser aux peuples, et les peuples de recourir à Rome ! »

On croit dans ces lignes entendre Lamennais ; mais on devine, aussi, à quelles espérances enthousiastes se durent abandonner les hommes de cette école lorsque, en 1847 et 1848, Pie IX en personne, suivant les propres paroles d’un orateur catholique du Congrès de Mayence, était salué par les protestans eux-mêmes comme le défenseur de la liberté européenne. Les principes dont allait s’inspirer l’Église d’Allemagne, en 1848, étaient ceux où s’était toujours complu l’école de Munich, et que les déceptions mêmes de cette école ne faisaient que justifier. Le seul souverain sur qui les catholiques d’Allemagne eussent vraiment compté depuis un quart de siècle les avait laissés là pour une ballerine ; mais l’année 1848 installait un autre souverain, le peuple.


II

La question religieuse tint peu de place, ou même point du tout, dans la brusque et rapide campagne électorale qui précéda les élections au parlement de Francfort et à la Chambre de Berlin, Les souvenirs de Pierre Reichensperger sur le parlement préparatoire (Vorparlament) tenu à Heidelberg au début d’avril, témoignent que les questions politiques étaient seules à l’ordre du jour, et que les préoccupations confessionnelles ne prétendaient alors à aucun écho. Il en fut dans le peuple allemand comme dans cette assemblée préalable : les pages où Pierre Reichensperger nous raconte sa candidature en pays Rhénan, son programme, son échec pour Francfort, son succès pour Berlin, tiennent les affaires religieuses en un complet silence. L’archevêque Geissel, il est vrai, chargea les ecclésiastiques de son diocèse de mettre leurs ouailles en garde contre les hommes qui, « se tenant sous la domination d’anciens préjugés, voudraient qu’il ne fût plus question de droits, de liberté, d’indépendance, lorsqu’il s’agit du domaine de l’Eglise. » Mais on ne précisait point ; on ne sortait pas des phrases assez générales. « Je ne défendrai pas le droit de ceux qui pensent autrement que moi ou le droit des incroyans moins fermement que le mien propre, » écrivait Auguste Reichensperger.

On chercherait vainement, au printemps de 1848, un