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d’aucuns, parmi eux, songeaient à une réunion de canonistes, qui concerterait, en vue d’un prochain parlement, une série de vœux concernant les libertés ecclésiastiques. Pour rédiger ces cahiers, des professeurs de bonne volonté ne manqueraient point ; mais n’était-ce pas, plutôt, l’affaire des évêques ? Les professeurs parlaient haut dans l’Église, et trop haut, parfois, au gré de l’épiscopat ; il serait plus prudent qu’au lieu de leur abandonner une aussi grande mission, la hiérarchie elle-même, solennellement rassemblée, entreprît l’éducation de l’opinion catholique. Un voyage à Francfort acheva d’en convaincre Geissel ; et le 1er octobre 1848, de l’archevêché de Cologne, une lettre de convocation fut expédiée. C’est à Wurzbourg, le 22 octobre, que devait s’ouvrir cette sorte de Pentecôte de l’Eglise germanique ressuscitée.

Le mémoire préliminaire que signa Geissel et dont certaines parties semblent avoir été écrites par Doellinger est une admirable page d’observations politiques ; les faits contemporains y sont résumés, dominés, avec une hauteur et une perspicacité qui étonnent. Les heures d’orage, en général, sont peu propices à l’analyste : un certain recul semble nécessaire pour en interpréter les obscurs et lourds grondemens ; avant que l’arc-en-ciel ait rasséréné l’horizon, il est difficile de voir clair parmi ces soulèvemens de poussière humaine que sont les révolutions. Mais le mémoire préliminaire qui convoqua les évêques à Wurzbourg projette une traînée de lumière sur l’Allemagne d’alors. Il nous dépeint, en termes expressifs, la lutte des deux forces politiques, la bureaucratie vieillissante et la jeune démocratie radicale ; elles sont l’une et l’autre hostiles au catholicisme ; en quelque sens que la victoire penche, l’Église doit être sur la défensive. Un État peut survenir, qui se désintéresse de la religion, et qui la contraigne de s’aider elle-même ; l’Église doit être prête ; il faut qu’elle soit en mesure de se passer de l’État si cet antique conjoint prend congé d’elle, en mesure, aussi, de limiter les droits de l’État, si au contraire il veut continuer le ménage ; et c’est une des raisons qui commandent l’entente de la hiérarchie.

Au demeurant, ne voit-on pas le protestantisme s’efforcer, à travers l’Allemagne, d’unifier ses énergies, et de s’ériger en puissance, avec laquelle l’État devrait compter ? Il y a là pour le catholicisme une leçon. Mais la complexité de la vie allemande