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évêques avec le Saint-Siège et de la libre communication des ordres religieux avec leurs supérieurs. Mais le chancelier, si puissant qu’il parût, se heurtait à l’opposition de la bureaucratie et à l’indifférente inertie de l’épiscopat, cette autre bureaucratie. « Je ne connais pas le concile de Trente, disait un prélat ; je ne connais que les arrêtés souverains. » Metternich pouvait-il émanciper l’Eglise malgré l’Église ! Ce fut l’année 1848, après la chute de Metternich, qui commença l’émancipation.

Le réveil catholique, qui dans le reste de l’Allemagne avait désormais l’épiscopat pour chef, prit la forme, à Vienne, d’une demi-insurrection contre le pauvre archevêque Milde. Le prêtre Sébastien Brunner, profitant de la liberté de la presse, lança subitement un journal ecclésiastique où le jeune clergé collaborait ; et durant l’été de 1848, où le sommeil des puissans fut si troublé, c’étaient les croyans, prêtres et laïques, qui venaient secouer la torpeur de Milde. Le cardinal Schwarzenberg, archevêque de Salzbourg, pouvait écrire au mois de septembre : « Des millions de citoyens autrichiens saluent le nouvel ordre de choses, non seulement parce qu’il leur garantit plus de liberté politique, mais parce qu’il promet à l’Eglise catholique les mêmes impulsions de liberté. » Mais ces impulsions effrayaient les prélats pour qui l’esclavage était une seconde nature ; et deux ans après, l’historien Hurter, parlant de l’archevêque de Vienne et de l’évêque de Saint-Poelten, les déclarera « si enlisés dans le joséphisme, que, tant qu’ils vivront, il y aura peu à espérer. »

Cependant, en Autriche même, les catholiques laïques commençaient d’espérer et d’agir, et consommaient ainsi l’œuvre de la Révolution. On a conservé, des dernières années de Metternich, certaines lettres singulièrement instructives ; il s’étonne que cette disparition du joséphisme, vers laquelle il avait aspiré comme vers une réforme juste et raisonnable, et que vainement il avait poursuivie, apparaisse comme un produit de l’émeute : ce que sa « toute-puissance, » à lui Metternich, n’avait pu faire pour l’Église, le « feu de paille » de l’année 1848 l’avait fait. L’ancien chancelier s’en réjouissait, mais non sans quelque amertume ; pourquoi Dieu, pour le bien de son Église, avait-il invoqué le bras des révolutionnaires ? Metternich en demeurait consterné ; il semblait qu’il constatât sans comprendre : et lorsqu’en 1853 l’assemblée des catholiques allemands tiendra ses