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voir autocratique » est donnée comme le but qu’il faut se proposer.

Avouons-le, ce manifeste, s’il n’avait été suivi de rien d’autre, aurait été une immense déception pour le pays : il n’aurait nullement correspondu à l’état des esprits, aux besoins de la situation, aux ardens désirs, ou plutôt aux exigences de l’opinion. Mais il y a le rescrit adressé au ministre de l’Intérieur : c’est un tout autre document. « Continuant, y lisons-nous, à l’exemple de mes ancêtres augustes, l’unification des institutions du pays russe, j’ai décidé dorénavant, et avec l’aide de Dieu, d’appeler les personnes les plus dignes, élues par le peuple et investies de sa confiance, à participer à l’élaboration préparatoire des projets législatifs. » On ne saurait, semble-t-il, se méprendre sur le sens de cette phrase, ni en exagérer l’importance. Pour la première fois il est question, en Russie, d’associer des hommes élus par le peuple et investis de sa confiance à la préparation des lois. Sans doute, cela ne veut pas dire qu’ils les feront tout seuls, ni que, une fois qu’ils les auront préparées, l’Empereur devra purement et simplement les promulguer. Le rescrit, comme le manifeste, affirme l’intention d’assurer « l’indissolubilité des liens historiques avec le passé. » Il ne s’agit pas de porter atteinte à l’autocratie impériale, mais de l’éclairer de lumières nouvelles. Le rescrit fait d’ailleurs une allusion directe aux « conditions spéciales » de l’Empire, et à la « diversité des nationalités et du développement peu avancé de culture civique dans quelques districts, » toutes choses qui imposent à la bonne volonté impériale des ménagemens et des transitions, et c’est assurément ce que, à défaut des révolutionnaires, tout homme éclairé reconnaîtra sage et sensé. Mais le mot essentiel a été prononcé ; la participation de l’élément électif à l’élaboration des lois a été annoncée ; c’est là toute une révolution en germe. Il faut souhaiter qu’elle se développe dans des conditions loyales de la part du pouvoir, mesurées et prudentes de la part de nation. Celle-ci peut être confiante dans l’avenir. Le principe de l’élection une fois admis, les conséquences en découleront naturellement. Nous ne disons pas, suivant le mot populaire, qu’il n’y a que le premier pas qui coûte ; tous les pas coûtent en politique ; chacun d’eux est le résultat d’un effort qui doit être constamment renouvelé. Mais le premier détermine le second, et il y a des chemins où l’on ne s’arrête plus après y être entré : on y marche seulement plus ou moins vite.

Nous ne savons pas, et peut-être est-il inutile de rechercher à quoi tient la contradiction apparente entre les deux documens. Les pessimistes y voient une preuve nouvelle de ce qu’il y a d’inconsistant