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et de mobile dans la pensée impériale ; mais il est plus probable que l’Empereur a voulu affirmer la plénitude de son droit dans son manifeste, afin de se donner tout le mérite des concessions spontanées qu’il devait faire dans son rescrit. Cela d’ailleurs a peu d’importance : les choses seules en ont en politique, et les esprits vraiment réalistes verront dans le rescrit le commencement d’une ère nouvelle. « Aujourd’hui, en faisant cette réforme, je suis sûr, dit le rescrit, que la connaissance des besoins locaux, l’expérience de la vie et la parole prudente et franche des personnes élues comme les plus dignes, assureront la fécondité des travaux législatifs pour le vrai salut de la nation. » Rarement souverain a parlé un meilleur langage ; et si l’Empereur pressent « que la réalisation de cette réforme sera compliquée et difficile, devant se faire sous la condition expresse de l’inviolabilité des lois fondamentales de l’Empire, » il n’y a rien que de naturel dans sa prévoyance. Il est évidemment impossible de changer du jour au lendemain les lois fondamentales d’un pays.

Manifeste et rescrit ont été livrés à la publicité quelques jours avant la reprise des hostilités en Mandchourie. On ne peut donc pas dire que les dispositions réformistes de l’Empereur sont la conséquence immédiate d’une bataille malheureuse ; mais il ne faut pas non plus que le dénouement de cette bataille, en enfiévrant l’opinion, la porte à des exigences excessives. La preuve qu’il y avait des défauts graves, des vices profonds dans le gouvernement, et qu’il était urgent d’y porter remède, était déjà faite avant la bataille de Moukden avec une force que celle-ci n’a pas pu accroître. La situation extérieure est peut-être aggravée, mais la leçon qui en ressort, est toujours la même. Il reste seulement à faire du rescrit une vérité, et aussi, — nous le disons avec tous les ménagemens que la situation comporte, mais aussi avec la sincérité, la netteté et la fermeté qu’elle exige, — à oublier les phrases du manifeste qui annonçaient la continuation d’une, guerre désormais sans espérance. L’inspiration en était héroïque ; mais si elles étaient en situation la veille de la bataille, le sont-elles encore le lendemain ?

Une nouvelle assez imprévue est arrivée ces jours derniers de Rome : M. Giolitti a donné sa démission. Il a invoqué l’état de sa santé pour expliquer sa détermination, et il paraît bien que le motif était sérieux. M. Giolitti, fatigué, malade même depuis] quelque temps, voyait sa vigueur physique diminuer à mesure qu’il en aurait eu un plus grand besoin. Les efforts quotidiens qu’il était obligé de faire