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C’est uniquement de l’attitude du gouvernement que dépendra la rapide extension du réseau des chemins de fer chinois ; mais quelle sera-t-elle ? « C’est un tort, dit le consul général britannique à Shanghaï, de supposer que les gouvernans de la Chine sont convaincus qu’il faut avoir des chemins de fer et que, la Chine étant incapable de faire les fonds, il faut s’adresser aux étrangers et traiter avec eux dans les meilleures conditions possibles. Beaucoup de Chinois éclairés comprennent les avantages des chemins de fer ; mais ce n’est pas à eux qu’il appartient de décider. Ceux qui ont le dernier mot dans la question se soucient peu que l’on construise des chemins de fer ou non. Ils n’ont qu’une idée confuse de la prospérité que feront naître de meilleurs moyens de communication ; du reste, si le bien-être du pays les intéresse, ce n’est que d’une façon abstraite, comme un bon thème pour une composition d’examen, et cela n’a point de rapport, à leurs yeux, avec la politique pratique. Ce qu’ils voient bien, c’est que des concessions de chemins de fer à des étrangers risquent d’entraîner pour eux des tracas et des difficultés et qu’au bout du compte, mieux vaut laisser ces affaires de côté. »

C’est bien là le point de vue de ce qu’on appelle « les hautes sphères gouvernementales ; » l’exécution des nouveaux chemins de fer ne rencontrera pas en Chine d’autres obstacles ; mais celui-ci peut être long à franchir. C’est le même esprit d’inertie et de crainte des « histoires » et des « affaires, » qui n’est pas, au fond, particulier à la Chine, mais y est seulement plus développé qu’ailleurs, parce que la bureaucratie y existe depuis bien plus longtemps, et que sa puissance y est mieux assise, c’est le même esprit, disons-nous, qui a annulé dans la pratique l’importante concession arrachée par les Européens à la suite de l’insurrection des Boxeurs, l’ouverture de tous les cours d’eau à la navigation étrangère. Des règlemens minutieux et vexatoires lui ont enlevé toute valeur. Si l’on parvenait à la rendre effective, il se pourrait toutefois qu’on se heurtât ici à une autre opposition, non plus gouvernementale, mais populaire. La construction des chemins de fer n’est pas trop mal vue, — sauf dans les cas où des maladresses sont commises, — parce qu’elle fournit du travail à une foule de coolies, et comme les voies ferrées ne suivant pas exactement, en général, le tracé des routes de terre, leur concurrence ne se fait pas sentir d’une façon aussi directe et aussi immédiate aux nombreuses personnes qui gagnaient leur