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souvenir ; qu’il importait peut-être de bien conserver cet avantage à la restauration actuelle et surtout pour une pièce que les étrangers remarquent particulièrement[1]. »

Nepveu doit donc être tenu pour indemne d’avoir pris l’initiative de la destruction de ces admirables boiseries, de ces chefs d’œuvre de l’art ornemental du XVIIIe siècle, dus à cette pléiade d’artistes qu’on pourrait appeler l’école de Versailles et dont Soulié, Dussieux, M. de Nolhac ont, avec autant de raison que de justice, remis les noms en lumière. L’auteur de ces bouleversemens fâcheux, ce fut Louis-Philippe lui-même qui, en politique le modèle des rois constitutionnels, n’était, en matière de bâtisse, guère moins absolu que Louis XIV. Sans cesse il intervenait dans la direction des travaux exécutés à Versailles, où il vint plus de cent fois en moins de quatre ans, se plaisant à donner lui-même des instructions et des ordres et se faisant, lorsqu’il était fatigué, traîner, d’un bout à l’autre du château, dans un fauteuil roulant qui existe encore. Ses discussions avec Nepveu, qui lui était très attaché et qu’il appréciait, étaient fréquentes : « M. Nepveu, lui demandait-il un jour, en lui montrant un plafond, quelle est donc là-haut cette figure allégorique ? — Sire, c’est la persévérance dans un Roi et l’obstination dans un pauvre architecte. »

Quoiqu’il en soit, la jugeant bonne, Louis-Philippe était très fier de son œuvre, et son historiographe ne faisait que traduire la pensée royale, lorsque, célébrant ce qu’il appelait « la grandeur toute nationale de la restauration de Versailles, » il n’avait pas assez d’hyperboles pour le féliciter « d’avoir effacé les distributions mesquines, les arrangemens de complaisance par lesquels on avait défiguré le palais de Louis XIV. » Après l’avoir remercié « d’avoir créé de nouveaux salons, des galeries immenses, restauré les galeries, les plafonds, les peintures, prodigué partout l’or, les meubles, les ornemens, ajouté une majesté nouvelle à la majesté des anciens appartemens, » il concluait par

  1. L’ordre du Roi, donné pendant une de ses visites à Versailles, le 4 juin 1834, était ainsi conçu : Dans la chambre à coucher de la Reine, faire enlever avec tous les soins convenables la belle cheminée en griotte avec les bronzes dorés, la faire encaisser et emballer ; faire déposer les glaces, enlever lus panneaux et les bordures en feuilles de palmiers qui les encadrent, pour faire établir sur la seule glace restante le portrait de Marie-Thérèse ou de l’Empereur Joseph, et parfaire les boiseries, encadremens et dorures de deux grands tableaux à placer. En plus pour le tout, 2 000 francs.