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ces mots épiques : « On croirait que Louis XIV n’est absent que d’hier. »

Ce n’était point, cependant, assure-t-on, sans quelque plaisir que Louis-Philippe, malgré son apparence de bourgeoise bonhomie, voyait ainsi son nom rapproché de celui du Grand Roi, et on ne l’ignorait pas dans son entourage. Lors de l’inauguration solennelle du musée qui, le 10 juin 1837, fut célébrée, à Versailles, par une très belle fête, Scribe, dans l’à-propos représenté à l’Opéra du château, entre le Misanthrope et Robert le Diable, ne négligea pas, relate le Moniteur, « de mettre en parallèle une fête de Louis XIV avec la fête toute nationale donnée par le Roi des Français, » et l’assistance ne manqua pas de témoigner « le plus vif enthousiasme, au moment où l’art du décorateur fit succéder à l’aspect du vieux Versailles celui de Versailles rendu à son ancienne splendeur et consacré par Louis-Philippe à toutes les gloires qui honorent le pays. »

Dans la préface de son Essai sur l’histoire du Tiers-État, Augustin Thierry déclare que « la catastrophe de 1848 » lui fut d’autant plus cruelle qu’il avait cru voir dans la monarchie constitutionnelle « la fin providentielle du travail des siècles écoulés. » Jamais cette espérance, cette illusion ne fut plus vive qu’à l’heure de l’inauguration du musée de Versailles, qui traduisait, si l’on peut ainsi parler, par l’image, cet espoir du grand historien et à l’occasion de laquelle les apologistes du régime de Juillet, non sans quelque exagération de pensée et de langage, se plurent à montrer dans ce régime le résultat de l’évolution de la France à travers les âges.

« On attendait, écrivait alors l’un des plus dévoués amis de la dynastie d’Orléans[1], un souverain qui eût le sentiment de la patrie assez vif, assez profond, pour confondre dans son cœur tout ce qu’elle avait produit de grand, et qui peut-être même avait le droit de réclamer une sorte de part à ces différens genres d’illustration. Ainsi à ces anciens preux couverts d’armoiries, il fallait quelqu’un qui pût dire : il y a parmi vous deux de mes ancêtres qui se conduisirent assez bien à cette époque ; ils s’appelaient saint Louis et Philippe-Auguste. À ces autres guerriers mais non moins illustres qui ne blasonnent que des cicatrices, il était heureux de pouvoir dire : « J’ai affronté, comme vous,

  1. Alexandre de Laborde : Versailles ancien et moderne, 1839.