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carotine que M. Arnaud a bien fait connaître dans une série de recherches publiées de 1885 à 1889. C’est une sorte d’essence constamment associée à la chlorophylle, ayant la composition d’un carbure d’hydrogène à grosse molécule ; elle possède la remarquable propriété d’absorber des quantités considérables d’oxygène, jusqu’à 200 fois son volume. Or cette substance dont la présence est susceptible de fausser la valeur des échanges chlorophylliens est inégalement répandue dans les organes verts. Elle est moins abondante dans les feuillages persistans que dans les feuilles caduques. Et précisément, un savant botaniste, M. C. -E. Bertrand, a rapproché ce défaut de carotine des feuilles persistantes de leur faible puissance respiratoire.

Pour en revenir à la synthèse des graisses chez les végétaux, il est probable qu’en dehors de l’action chlorophyllienne elles ont encore une autre origine. Elles proviendraient par réduction des hydrates de carbone déjà formés. Ce serait une ressemblance entre les plantes et les animaux chez qui il n’est pas douteux que les matières grasses se constituent aux dépens des matières sucrées ou amylacées.

L’évolution synthétique des deux catégories de substances, hydrocarbonées et sucrées, offre donc les plus grandes analogies. Ajoutons que leur dislocation destructive, corrélative du fonctionnement vital, se fait de la même manière. Elles subissent dans les tissus des mutations chimiques équivalant, dans leur ensemble, à une oxydation et fournissant en fin de compte de l’eau et de l’acide carbonique : celui-ci est rejeté par la respiration de l’animal ou de la plante, ou entraîné à l’état de carbonates et de bicarbonates par les excrétions.

Parmi les manifestations vitales qui, chez l’animal, contribuent le plus activement à cette désintégration des matières ternaires, il faut placer en première ligne le travail musculaire. La formation de ces composés représente une accumulation d’énergie empruntée à la radiation solaire : leur décomposition s’accompagne d’une libération d’énergie. C’est précisément l’énergie libérée par cette oxydation qui apparaît comme énergie mécanique du muscle et comme chaleur. Chez la plante où le travail mécanique fait défaut, c’est au moment de la floraison, de la montée en graine, de la fructification, que se manifeste le plus énergiquement la destruction des matériaux ternaires.