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LETTRES
DE
HIPPOLYTE TAINE


la commune



A Madame H. Taine.
Dimanche 19 mars 1871, 10 heures du matin.

Depuis la lettre de votre père d’hier au soir[1], la situation s’est fort empirée. — Nous sommes avec votre père au bureau des Débats, qui est vide, nous venons de lire tous les journaux, de causer avec diverses personnes. Nous ne savons rien au juste. L’émeute semble avoir le dessus, beaucoup de soldats ont mis la crosse en l’air. On m’apprend que le gouvernement de Thiers, etc., vient de retourner à Versailles avec les troupes. — Paris est tranquille dans notre quartier, il a sa physionomie ordinaire ; s’il y a barricades, c’est du côté de Montmartre. Cet événement est désolant, je n’ai pas besoin de vous en dire les conséquences. Le train venant de Tours a été arrêté hier à la gare de Paris ; on a fait descendre et on a emmené le général Chanzy[2]; on a visité les wagons, on voulait couper les rails.

Nous vous écrirons ce soir, les événemens marchent, et peuvent modifier la situation d’heure en heure.

  1. M. Denuelle, beau-père de M. Taine, annonçait dans cette lettre le début de l’insurrection et l’assassinat du général Lecomte et de Clément Thomas.
  2. Le général Chanzy, conduit à la prison de la Santé à travers mille dangers, ne fut élargi que le 25 mars.