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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/845

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Des changemens analogues s’essayaient dans d’autres paroisses, sans mouvement d’ensemble, suivant l’inspiration propre, on pourrait dire suivant la fantaisie de chacun. Ils ne portaient pas seulement sur l’aménagement de l’église, mais aussi sur le costume de l’officiant : quelques clergymen se bornaient à remplacer la robe noire (black gown) par le surplis ; un très petit nombre allaient plus loin et commençaient à user de ce qu’on appelait les « vêtemens eucharistiques, » chape, chasuble, étole, que l’on faisait venir de Paris[1]. Chaque jour, il était plus visible qu’une sorte d’attrait mystérieux poussait les adeptes de cette école à copier ce qui se faisait dans l’église romaine. T. Mozley, disciple et allié de Newman, ayant assisté, pour la première fois, en 1843, au cours d’un voyage en Normandie, à un office catholique, en recevait une impression qu’il qualifiait lui-même de « fascination. » « C’était le véritable culte, s’écriait-il ; il y avait là le sentiment d’une présence divine[2]. » Des idées de ce genre gagnaient jusqu’à la littérature. On en peut juger par les deux romans de Conningsby et de Sybil, que Disraeli publiait en 1844 et 1845 et, où il se piquait d’aborder les problèmes sociaux de l’époque. Bien que personnellement étranger et indifférent aux controverses théologiques d’Oxford, il laissait voir, dans ces romans, les préférences de son imagination pour ce qu’on eût pu appeler l’esthétisme du tractarianisme, et il préconisait un retour à la vieille poésie du culte catholique. « Ce que vous appelez formes et cérémonies, faisait-il dire à un pasteur, représente les instincts les plus divins de notre nature. »

Cet effort pour la restauration du culte coïncidait avec le mouvement romantique qui partout, en Angleterre comme sur le continent, remettait en faveur l’art du moyen âge. Une sorte d’alliance s’établit naturellement entre les deux mouvemens. Dans toute paroisse où prévalait l’anglo-catholicisme, l’ornementation de l’église devenait aussitôt gothique, sans qu’on s’inquiétât des disparates souvent étranges avec le style primitif de l’édifice[3]. Le gothique finit même ainsi par devenir un peu

  1. Un journal ritualiste, le Church Times, a ouvert, parmi ses lecteurs, en 1897, une sorte d’enquête pour savoir quand ces vêtemens avaient été employés pour la première fois. On remonta ainsi, à la vérité, pour des cas très isolés, jusqu’en 1840.
  2. . Reminiscences chiefty of Oriel College and of the Oxford movement. t. II, p. 318.
  3. Le Rev. Bail, parlant d’une chapelle où s’établissait, en 1859, une mission ritualiste. décrit cette chapelle qui datait de la un du XVIIe siècle, avec ses retables pseudo-classiques que flanquaient des colonnes corinthiennes et que surmontait un fronton. « Dans ces jours, ajoute-t-il, des High churchmen ne pouvaient être que gothiques ; aussi, devant le retable pseudo-classique, le clergé de la mission avait-il placé un autel avec un bandeau d’un dessin moyen âge ; sur le gradin, étaient des flambeaux gothiques ; une croix gothique était fixée au retable qui était derrière, et une croix gothique ornait ou défigurait le fronton du dessus. » (A. H. Mackonochie, a memoir, by E. A. T., p. 48.)