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suspect aux yeux de certains catholiques romains, et ceux-ci préférèrent prendre pour modèles les églises italiennes du XVIe siècle ; on s’en aperçut plus tard, lors de la construction, à Londres, de la grande et très riche église de l’Oratoire. Cette méfiance toutefois était loin d’être partagée par tous les catholiques. Le propagateur le plus enthousiaste, le plus exclusif, le plus intolérant de l’art gothique, fut l’architecte Pugin, converti au catholicisme depuis 1833 : le culte qu’il professait pour l’art du moyen âge n’avait pas peu contribué à cette conversion. Mis en rapport avec quelques-uns des Tractariens, il s’appliqua, non sans succès, à leur insuffler un peu de son enthousiasme médiéval[1].

L’un des foyers de cette réaction à la fois religieuse et artistique était la Cambridge Camden Society, fondée en 1839. Elle se donnait pour programme de « promouvoir l’étude de l’art chrétien et des antiquités chrétiennes, plus spécialement en tout ce qui regardait l’architecture, l’arrangement et la décoration des églises. » C’était se proclamer l’ennemie du temple tel que l’avait fait le protestantisme et manifester la volonté d’y substituer l’ancien type de l’église catholique. Les adversaires du Tractarianisme ne s’y trompaient pas, et l’un d’eux, le Révérend Close, en 1844, résumait la pensée d’un de ses sermons dans cette phrase qui lui servait de titre : « La restauration des églises est la restauration du papisme. » Il se piquait de démontrer, dans ce sermon, « que, de même que le Romanisme était enseigné analytiquement à Oxford, il était enseigné artistiquement à Cambridge ; qu’inculqué théoriquement dans des tracts, à l’une des Universités, il était sculpté, peint, gravé, dans l’autre. » « Les Camdeniens de Cambridge, ajoutait-il, bâtissent les églises et fournissent les vaisseaux symboliques par lesquels les Tractariens pensent appliquer leurs principes[2]. » La Camden Society n’était pas seulement dénoncée dans la chaire ; ses

  1. Nature exaltée, Pugin finit par avoir le cerveau un peu troublé ; il dut être enfermé dans une maison de santé et mourut, en 1852, à l’âge de quarante ans.
  2. Cité par Walsh : The History of the Romeward movement in the Church of England, p. 254.