Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/859

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réaction favorable provoquée par les troubles de S. Georges in the East. Ajoutons que si, en s’accentuant et en s’étendant, le nouveau cérémonial éveillait, chez certains, des répugnances plus vives, il produisait, chez d’autres, un effet d’accoutumance. C’est ce que constatait un clergyman de Londres, dans une lettre adressée, en février 1866, à l’évêque de cette ville. « Dans ma propre église, disait-il, les vêtemens et autres pratiques high-ritualistic auraient, il y a six mois, effarouché beaucoup de gens et n’auraient plu à presque personne ; aujourd’hui, on en cause tranquillement, on s’instruit de leur signification et de leur usage, et plusieurs même les réclament. » Aussi ce clergyman croyait-il pouvoir affirmer que « le High ritual était un fait établi qu’on ne pouvait supprimer[1]. » Vers la même époque, l’évêque Wilberforce, fort soigneux cependant d’éviter toute compromission avec le romanisme, reconnaissait « qu’il y avait, dans l’esprit anglais, un grand mouvement vers un plus haut rituel, towards a higher ritual. » Il invoquait, dans ce sens, le témoignage du député de Manchester qui, au cours de sa campagne électorale, avait noté, non sans étonnement, l’intérêt pris par le peuple de cette ville aux choses d’église, et « le fort accroissement de son amour du rituel[2]. »

C’est que les préventions que le puritanisme était parvenu, depuis la Réforme, à susciter contre le cérémonial religieux, suspect à ses yeux de rappeler les superstitions romaines, loin d’être en harmonie avec les habitudes générales d’esprit des Anglais, avec leurs goûts, avec leurs usages sociaux, y faisaient plutôt violence. Elles avaient quelque chose d’artificiel et d’imposé. La nudité du temple et la sécheresse du culte étaient une anomalie au milieu de tout ce qui les entourait. En effet, nul peuple n’a plus curieusement et plus scrupuleusement conservé, dans sa vie civile, l’antique et parfois bizarre somptuosité du cérémonial et du costume. On n’en veut pour preuve que les rites du couronnement du Roi, de l’installation du lord-maire, de l’ouverture des sessions du Parlement, le costume des présidens des Chambres législatives, des magistrats, etc. Si donc les Ritualistes avaient contre eux des préjugés vieux déjà de trois siècles, ils ne faisaient cependant que réintroduire, dans l’ordre religieux, un cérémonial maintenu et goûté partout ailleurs, renouer

  1. Life of Tait, t. I, p. 414 et 415.
  2. Life of Wilberforce, t. III, p. 189.