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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/960

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partout, même en Amérique. Le principe de la porte ouverte est le nôtre au Maroc, dans des conditions qui peuvent rassurer tout le monde, puisqu’elles ont rassuré l’Angleterre. Avant trente ans, rien ne sera changé à la situation économique du pays, ou du moins un changement quelconque ne pourra s’y produire qu’avec l’adhésion des puissances, et les avantages qui seront accordés à l’une profiteront à toutes : que veut-on de plus ?

On veut peut-être que ces garanties soient entourées de formes nouvelles : les journaux ont même parlé d’une conférence internationale qui en discuterait sans doute et en fixerait la valeur. L’idée d’une conférence nous paraît être la moins pratique et la plus irréalisable qu’on puisse imaginer en ce moment. Parmi les puissances, — et le nombre, au total, n’en est pas bien considérable, — qui sont intéressées aux affaires du Maroc, il y en a quatre de satisfaites : elles estiment s’être mutuellement donné toutes les assurances dont elles pouvaient avoir besoin. Croit-on qu’elles accepteraient d’aller à une conférence où leurs intérêts pourraient être remis en question et d’où, en tout cas, ils ne sortiraient pas mieux garantis ? Et comprendrait-on que la conférence pût se réunir sans elles ? Cette conception est purement chimérique. L’Allemagne seule est mécontente. De quoi ? On n’en sait rien. Qu’elle le dise, ou qu’on le lui demande, on verra alors comment il est possible de lui donner satisfaction. Nous n’attachons, d’ailleurs, aucune importance à savoir qui fera la première démarche, pourvu qu’elle doive aboutir ; mais aboutira-t-elle ? Le langage des journaux allemands, à en juger par le dernier article de la Gazette de Cologne, est de nature à inspirer des craintes assez sérieuses à ce sujet. Si le gouvernement allemand se cantonne avec intransigeance dans l’attitude que l’Empereur a prise à Tanger et s’il ne veut avoir de conversation qu’avec l’empereur du Maroc, il est inutile d’en ouvrir une avec lui. Dans le cas contraire, nous sommes prêts : nous demandons même ce qu’on attend.

Il y a eu sur cette affaire des manifestations parlementaires qui, très sibyllines à Berlin, ont dû être très réservées à Paris. M. le comte de Bülow a dit au Reichstag que, les intérêts commerciaux de l’Allemagne ne lui paraissant pas suffisamment garantis, le gouvernement allemand s’adresserait — d’abord — au gouvernement chérifien pour leur assurer une sauvegarde efficace. D’abord ; mais après ? L’esprit reste en suspens devant l’adverbe employé par le chancelier de l’Empire. Quant à M. Delcassé, il a parlé à deux reprises différentes, une fois au Sénat et l’autre à la Chambre. Il répondait au Sénat à une