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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/120

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peindre, devait sortir un renouvellement artistique ; mais de la « décalcomanie, » innocente récréation tout d’abord, une révolution industrielle allait procéder.

Sèvres, sous une impulsion nouvelle, a, depuis vingt ans, échappé à l’obsession de faire des vases de plus en plus vastes, de plus en plus hauts. Malgré les servitudes d’Etat qui pèsent sur lui et lui font payer chèrement la subvention, sans laquelle une fabrique d’art ne peut vivre ; malgré la plaie des « bons, » ces concessions gratuites de porcelaines avec quoi les personnages ministériels rémunèrent divers services, et qui, négociés et revendus à vil prix par leurs donataires primitifs, — chanteurs ou danseuses, — vont échouer dans les grands bazars ; malgré les dons et cadeaux aux loteries, œuvres de bienfaisance et concours de toute sorte qui, bien que vulgaires, constituent par leur nombre une charge annuelle de plusieurs centaines de mille francs et une production commerciale dénuée d’intérêt, malgré tout cela notre grand établissement national se montre soucieux du rôle qui lui incombe d’ « entraîneur » de la céramique.

Il a changé sa technique et s’efforce, dans ses recherches de décors, d’imiter la nature. Par-là, il fait de la porcelaine, non plus un accessoire sur lequel on fixe plus ou moins bien une peinture, mais une matière précieuse enrichie par des couleurs faisant corps avec elle. Sèvres, en effet, est avant tout une école. Comparé à celui d’autres manufactures d’Etat, son personnel ouvrier est des plus restreints ; il n’a pas 30 décorateurs, tandis que Meissen, en Saxe, en a 300, parmi lesquels des femmes payées 12 centimes et demi pour l’assiette bleue unie, et qui en peignent trente par jour. Aussi Meissen rapporte-t-il un bon revenu à son royal propriétaire ; les amours joufflus dans leur cadre rocaille, les marquises mignardes, à hauts talons, enguirlandées de fleurs, les bergères nourries de roses, à la chair épanouie jaillissant du corsage, auxquels ce souverain reste invariablement fidèle, lui procurent un bénéfice moyen d’un million, le double du budget tout entier de Sèvres.

Partout ailleurs, le peintre « sur porcelaine » se fait de plus en plus rare. Les fleurs de quelques faïences sont coloriées à la main, suivant un cadre d’avance imprimé en noir ; en général le spécialiste est remplacé par l’« aérographe » ou par la machine à décalquer. L’aérographe, au moyen de l’air comprimé, vaporise et distribue mécaniquement la couleur sur la pâte. C’est un